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VOIE PROFESSSIONNELLE

Apprentissage - Une privatisation qui ne dit pas son nom

vendredi 16 février 2018

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La présentation par le gouvernement, vendredi 9 février, de sa réforme de l’apprentissage confirme la privatisation en marche telle que le Snetap-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire le pressentait. Si les grands médias ont mis en lumière une participation financière de l’État de 500 € à chaque apprenti pour leur permettre de financer leur permis de conduire, il s’agit là de l’arbre qui cache la forêt des avantages données aux entreprises.

La mise pour les premiers de cordée,
Les référentiels professionnels seront écrits par les entreprises, les règlements d’examen et les référentiels de formation seront co-établis entre les branches professionnelles et l’État. Une aide de l’État de 6000€ par contrat sur 2 ans sera attribuée aux entreprises par les Régions qui pourront la compléter. Une certification des maîtres de stage sera créée et les qualifications adaptées par les branches professionnelles qui arrêteront le nombre maximum d’apprentis par maître d’apprentissage. La demande et les besoins en compétence des entreprises donneront lieu à des adaptations réactives des CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis sans autorisation administrative. La taxe d’apprentissage et la part de professionnalisation seront fondus dans une cotisation unique de 0,85 % de la masse salariale et 100 % de cette taxe sera dédiée à l’alternance. Chaque contrat signé donnera la garantie de son financement. Un système de péréquation garantira le financement des contrats quelques soient les branches professionnelles. Des mesures d’aides aux entreprises feront baisser le coût de certains apprentis à 65 € par mois.

L’insécurité pour les autres,
Du côté des apprenti.es, le contrat d’apprentissage au-delà de 45 jours pourra être rompu sans qu’il ne soit exigé une procédure de prud’homme. Dans certains secteurs, le temps de travail des apprenti.es mineur.es pourra être porté à 40 heures et les horaires assouplis (travail de nuit). La durée du contrat d’apprentissage pourra être écourtée par un accord tripartite (apprentis, entreprise et CFA) pour adapter la durée aux contenus de formation déjà acquis par le jeune et son embauche pourra se faire tout au long de l’année.

Pour les CFA, nombre d’entre-eux seront conduits à disparaître étant donné que les lycées devront ouvrir des unités de formation par apprentissage. Pour prétendre bénéficier des financements, les CFA qui n’auront pas été conduits à disparaître, devront justifier des qualités des formations proposées, de l’accueil des jeunes et de leur accompagnement pédagogique validées par une certification délivrée par des organismes indépendants. Celle-ci permettra au CFA de pouvoir bénéficier des financements. Cette mesure est censée inciter un meilleur accompagnement des jeunes par le CFA. Les formations seront financées au contrat et le coût contrat de chaque diplôme ou titre professionnel sera arrêté par les branches professionnelles.
Les attendus prêtés au développement des campus des métiers, engendreront de lourdes conséquences sur les structures des établissements publics d’Enseignement Agricole, sur les jeunes qu’ils accueillent et évidemment sur les emplois des EPLEFPA EPLEFPA Établissement Public Local d’Enseignement et de Formation Professionnelle Agricole . La création d’UFA UFA Unité de formation par apprentissage dans chacun des lycées professionnels interpelle nécessairement les structures de nos établissements qui disposent pour la plupart d’entre-eux d’un CFA à côté du lycée LPA LPA Lycée Professionnel Agricole ou LEGTPA LEGTPA Lycée d’Enseignement Technologique Professionnel Agricole .

Pour les personnels des lycées, des CFA et dans une certaine mesure des CFPPA CFPPA Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
, la mutualisation des moyens produits par les UFA va inexorablement se traduire par des suppressions d’emplois
. En outre, les UFA induisant du mixage de parcours sinon de publics, les conditions de travail vont aussi se détériorer. En effet, les organisations pédagogiques de l’année et des séquences de cours avec des apprenants aux statuts différents et soumis à des rythmes d’alternance différents sont renvoyés à la seule imagination des équipes pédagogiques, ceci n’étant pas le souci de décideurs préoccupés par les seuls aspect financiers. Les expériences menées par le passé dans l’enseignement agricole n’ont jamais donné lieu à un bilan et pour cause ?

Quant aux Régions, si elles sont assurées de dotations versées par l’État, l’une de 250 millions d’euros par an leur permettant d’abonder les contrats notamment pour tenir compte de spécificités ou de situations géographiques de certains CFA et l’autre de 180 millions pour investir dans la création de nouveaux CFA, elles perdent leurs prérogatives de gestion et de gouvernance de l’apprentissage.
C’est ceci qui conduit les régions à dénoncer cette privatisation. L’ARF ARF Association des Régions de France affirme que « l’apprentissage n’est plus une politique publique » et « ne relève plus de la formation initiale » … qualifications exprimées par les "Régions de France" que le Snetap-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire reprend aisément à son compte tout en regrettant ce réveil bien tardif.

Pour le Snetap-FSU l’ensemble des arbitrages rendus par le gouvernement, clairement en faveur des branches professionnelles, sont une forme de "privatisation" de l’apprentissage.
Cette nouvelle gouvernance risque, à très court terme, de remettre en cause la répartition des formations professionnelles sur les territoires, les plus défavorisés étant sans doute les premières victimes.
Enfin des mesures, malgré toute la démagogie déployée, qui ne profiteront pas aux jeunes qui choisiraient demain la voie professionnelle.
Pour s’en convaincre il suffit d’écouter le patronat lui même :"Nous souhaitons aussi augmenter le temps de présence en entreprise, les branches ayant maintenant la main sur les diplômes et ainsi réduire le coût horaire des apprentis, à l’instar des pratiques de nos voisins européens." Karine Charbonnier Beck (chef d’entreprise et élue régionale Hauts de France)