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Comptes notionnels : ne nous en laissons pas conter...

jeudi 4 novembre 2010

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2010, un nouveau rendez-vous pour les retraites ?


Cet article est initialement paru dans le numéro 322 de l’enseignement agricole, daté de novembre-décembre 2009.

Nous le mettons en ligne en conservant son titre original pour lui assurer une plus large diffusion, tant il est toujours en phase avec l’actualité.


La réforme en vue pour 2010 sera, si elle aboutit, plus lourde de conséquences et transformera la vision et l’approche que nous avons depuis 1945 de la retraite en France : c’est d’un changement de système de retraite et de l’adoption d’un nouveau dont il est question.

Les partisans de cette réforme systémique accusent le régime par répartition de mille maux.

Selon eux, il serait la source d’ inégalités, en particulier parce qu’il différencie l’emploi public et l’emploi privé. Il ne saurait pas gérer la situation des personnes qui sont polypensionnées alors que leur nombre va augmenter dans les années à venir avec la mobilité imposée aux travailleurs (aujourd’hui déjà, deux, trois régimes différents par pensionné.). Ils n’oublient pas bien sûr le reproche ressassé selon lequel, il est dans l’incapacité financière de s’équilibrer durablement. Et comme ce système est compliqué, il serait illisible, voire imprévisible, car chacun serait dans l’incapacité de comprendre comment il va être traité à la fin de sa vie professionnelle. Enfin, cette illisibilité provoquerait une grande méfiance pour le système par répartition, et en particulier de la part des nouvelles générations.

Certes, le Snetap, la FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire , ne prétendent pas que le système actuel soit toujours équitable, les redistributions familiales empêchent un peu de le voir, ni même qu’il soit toujours clair, mais il ne nous semble pas que cela soit dû au à la répartition elle-même, mais plutôt à ce qu’on en a fait.

En effet, le projet de 1945, à la création de la Sécurité Sociale, n’était pas ce que nous connaissons aujourd’hui. Il était prévu un système par répartition unique pour tous.

Or, un certain nombre de professions ont souhaité avoir leur propre régime (artisans, commerçants, agriculteurs, professions libérales) et les régimes spéciaux des agents de l’État et assimilés ont été maintenus, d’abord à titre provisoire puis définitivement. Quant au prétendu déséquilibre financier du système, c’est de choix politiques qu’il dépend aussi.

La réforme systémique est censée apporter de bonnes réponses ...

Une fois le chien enragé noyé, il faut trouver une solution pour le remplacer, et c’est là qu’apparaissent les comptes dits " notionnels " ! Le régime notionnel est, en effet, cette sensationnelle nouveauté qui réglerait tous les problèmes selon ses zélateurs.

Il existe d’ailleurs déjà en Italie, Lituanie, Suède,...

Description : chaque salarié a un compte notionnel où sont versées toutes les cotisations (salarié et employeur) qui sont capitalisées virtuellement et actualisées (selon les prix, le salaire moyen comme en Suède, la masse salariale, le taux de progression du PIB comme en Italie...). Toute période travaillée apporte une cotisation.

En réalité, ces fonds ne sont pas réellement déposés comme dans un fonds de pension, ils servent à alimenter les retraites de ceux qui ne travaillent plus.

À un âge donné, ce capital virtuel est converti sous forme de rente en prenant en compte l’espérance de vie de la génération concernée : à partir de l’âge de départ en retraite, on réfléchit ainsi à la durée de la retraite.

C’est ainsi que pour deux personnes appartenant à deux catégories socioprofessionnelles différentes mais qui ont eu le même salaire durant leur vie de travail, si le calcul de leur espérance de vie est différent, leur mensualité ne sera pas la même. En effet, comme ils ont la même somme à dépenser, celui qui n’a que 10 ans à vivre recevra plus par mois que celui à qui on promet une espérance de vie de 25 ans, afin de liquider sa part !

L’autre question importante est celle du choix du taux d’actualisation pour la revalorisation des pensions liquidées. En effet, si l’on choisit l’indexation sur les prix, ce niveau de la pension est maximum à la date de la liquidation mais cela conduit à une stabilité à prix constant de la pension liquidée, ce qui en cas d’inflation peut être dangereux pour le niveau de vie des retraités.

Alors, les comptes dits notionnels seraient la solution annoncée ?

En Suède où il existe depuis longtemps, ce système a t-il résolu les problèmes insupportables du régime par répartition ? La réponse est claire, c’est non !

En effet, en Suède, ce régime est quand même déficitaire ! La revalorisation du capital actualisé l’est sur le salaire moyen, ce qui fait qu’il y a plus de retraites en masse que de cotisations. Il aurait sans doute fallu pour régler ce déséquilibre changer ce mécanisme, mais cela n’a pas été fait.

Et comme on ne sait pas jusqu’au jour de la liquidation de ses droits à la retraite de combien on bénéficiera, selon la manière dont les fonds seront actualisés, c’est carrément l’illisibilité institutionnalisée : résultat, les Suédois n’y comprennent rien !

L’une des différences fondamentales entre le régime par répartition et le régime par compte notionnel est l’esprit qui préside à leur mise en place et à leur fonctionnement.

En effet, qu’on change quelque chose ou qu’on ne change rien, quelque choix qui soit fait, dans un régime par annuités comme celui que nous connaissons depuis la fin de la guerre, ces choix sont forcément discutés et sont forcément collectifs.

Par contre dans un régime par points comme le sont les comptes notionnels, l’équilibre se fait avec l’espérance de vie de la classe d’âge, et/ou de la catégorie socioprofessionnelle ; il n’y a donc plus de choix à faire, c’est une sorte de pilotage automatique sur lequel il n’est pas possible de peser une fois la règle établie. La modification des paramètres de régimes pour assurer l’équilibre est alors considérée comme un ajustement technique et non comme une décision politique.

Enfin, cette prétendue solution est l’occasion de supprimer la référence au dernier échelon et aux six derniers mois pour les pensions de l’état et cela aggrave même les retraites du secteur privé, déjà fortement pénalisées par la réforme Balladur de 1993, puisque la retraite sera basée sur la moyenne de l’ensemble des salaires de toute la carrière.

En France, on sait que la réforme de 2003 n’a pas prévu les financements, malgré les rodomontades de N. Sarkozy durant la campagne des présidentielles selon lesquelles le gouvernement de droite aurait sauvé les retraites... mais maintenant, le gouvernement de droite ne dit plus la même chose ! Le système actuel de décote et de surcote ne suffit pas. Et, on le voit, le système notionnel ne règle pas le problème de l’équilibre financier.

Pour nos dirigeants, la seule solution serait, sous prétexte d’une plus longue espérance de vie, de partir encore plus tard...

Ne nous laissons pas berner !

Si réfléchir au système notionnel, l’analyser, peut aider à améliorer notre système par répartition, ce n’est pas ce qui est prévu. En réalité, cette réforme technique, et qui s’annonce seulement comme telle, est le faux-nez d’une mauvaise action : elle cache en réalité une réforme politique et en particulier la dégradation des pensions et elle sert à avancer de mauvaises idées...

Celle par exemple, de l’unification des régimes, certes idée de base de la création de la Sécurité Sociale de 1945, mais l’élan n’est vraiment plus le même et l’idée sous-jacente est plutôt de réunir les régimes de retraites afin de les niveler par le bas...

Sylvie Debord


Texte adopté par le parlement (extrait) :

Article 3 decies

I. – À compter du premier semestre 2013, le Comité de pilotage des régimes de retraite organise une réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.

Parmi les thèmes de cette réflexion, figurent :

1° Les conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ;

2° Les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au c½ur du pacte social qui unit les générations ;

3° Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.

II. – En s’appuyant sur un rapport préparé par le Conseil d’orientation des retraites, le Comité de pilotage des régimes de retraite remet au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle et de solidarité intragénérationnelle.


À lire aussi, sur ce sujet, des articles en ligne sur le site de la FSU :