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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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La fin de carrière des enseignant-e-s

jeudi 5 mars 2015

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Le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire , dans la continuité de ses mandats de congrès sur les carrières enseignantes poursuit son travail sur la question spécifique de la fin de carrière des enseignants.

Cet article reprend et présente les principales conclusions de l’article "Les difficultés des enseignants en fin de carrière : des révélateurs des formes de pénibilité du travail" de Dominique Cau-Bareille, ergonome, Institut d’Etude du Travail de Lyon à l’Université Lyon 2 (Lyon, France) - Centre de Recherches et d’Etudes sur l’Age et les Populations au Travail (­ Noisy le Grand, France) -, par ailleurs militante au SNESUP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire et chercheure associée à l’institut de la FSU
http://www.cairn.info/revue-managem...

Les enseignants ne pourront désormais bénéficier de leur pension qu’à 62 ans, suite à la succession de réformes du système des retraites. L’allongement de la carrière en est naturellement la conséquence.
Les réformes du système des retraites n’ont à aucun moment posé le problème de la santé des salariés et du vécu au travail. Aucune réflexion n’a été engagée sur des éléments essentiels tels que la santé au travail, les effets d’usure ; le rapport au travail en fin de carrière pourrait éclairer les sorties précoces ( 25 % de départs anticipés dans le 1er degré), l’absentéisme, les problématiques de santé.

Le sujet du « bien vieillir au travail » est posé. Plus les enseignants avancent en âge, plus leur expérience acquise pourrait rendre leur travail plus facile. Il n’en est rien ; le coût humain du travail augmente en dépit de cette expérience ! Les problèmes de santé s’accroissent, la fatigue liée à l’activité s ’accentue, les besoins de récupération sont plus importants. De là naît un sentiment d’efficacité personnelle à la baisse qui induit des inquiétudes sur la capacité à tenir jusqu’à la retraite.

La loi sur la pénibilité ne touchera pas le métier d’enseignant ; il y aura urgence à révéler les formes invisibles de pénibilité de ce métier. Des études réalisées au cours des 15 dernières années ont posé leur argumentaire sur la dichotomie entre bien-être et mal-être au travail ; elles n’ont qu’analysé les attentes et motivations d’un enseignant devant exercer durant 40 ans. Une enquête faite en Suisse montre qu’un seul enseignant sur 5 quitte l’enseignement pour une insatisfaction professionnelle ! L’engagement professionnel se modifiant en cours de carrière peut aboutir à un départ anticipé dû à l’épuisement, au désengagement, au stress au travail, aux conflits entre la vie professionnelle et vie privée.

Tout cela pose le problème des conditions de travail, de l’organisation du travail, du développement des compétences.

Dans son étude, D. CAU-BARREILLE montre que le travail enseignant est exigeant, difficile, à activité multifonctionnelle ; qu’il entraîne une obligation de mobilisation physique, cognitive, affective et subjective permanente.
Il demande aux enseignants 42h de travail par semaine (calcul officiel de l’éducation nationale) réparties entre le temps de travail dans l’établissement : face-à-face élèves, le travail administratif, la rencontre de parents et le temps de travail en dehors de l’établissement comme la préparation de cours, de TP, la préparation des devoirs et corrections...

Elle constate que rares sont les enseignants qui parlent de leurs difficultés par crainte de révéler des faiblesses. Et la hiérarchie est rarement évoquée par les enseignants comme un soutien dans l’activité !!

En fin de carrière, le terme « épuisement » remplace celui de « fatigue » ; les soucis de santé surviennent et les enseignants s’interrogent :« comment vais-je tenir ? ».
Des stratégies de préservation de la santé se mettent en place, d’autres d’adaptation consistent en un étalement des cours sur la semaine. 15 % de femmes et 6 % d’hommes choisissent le temps partiel en fin de carrière.

Le métier d’enseignant est impacté par la tension nerveuse de plus en plus grande ; « la patience évolue beaucoup avec l’avancée en âge ». L’intolérance au bruit des élèves s’accentue au fil du temps. Certains optent pour les sanctions ou renvois de cours (mal perçus par la hiérarchie : cela traduit une incompétence à maîtriser la classe), d’autres négocient plus facilement en fin de carrière avec les élèves perturbateurs en acceptant qu’ils fassent autre chose pour obtenir leur silence ; cette dernière stratégie est insatisfaisante pédagogiquement et peut entraîner le burn-out.

La fin de carrière s’accompagne de plus en plus de difficultés à récupérer au bout d’une journée, d’une semaine, d’un trimestre ; les enseignants essaie alors de ne pas travailler tard le soir à la maison ou le week-end.

Les femmes subissent une fatigue encore plus marquée que les hommes en fin de carrière : le cumul des activités professionnelles et de gestion de la famille et celui de la ménopause l’explique. Les femmes arrivent à constater de « tout faire mal », générant ainsi une insatisfaction à court et à long terme. Le genre est une dimension importante à prendre en compte dans l’analyse des fins de carrière et des phénomènes d’usure précoce.

D’autres stratégies sont mises en place, les enseignants refusent d’être Professeur Principal d’une classe pour se dégager du temps personnel. Lors des v½ux d’affectation des classes pour l’année suivante, ils demandent moins de niveaux de classe pour moins de préparations. Ils évitent les heures supplémentaires, quitte à se mettre à temps partiel pour ne pas en avoir. Collectivement, ils sont plus réticents à travailler avec les collègues sur des projets gros consommateurs de temps.

Les enseignants en fin de carrière sont de plus en plus en dissonance entre leur vision du métier et les injonctions de la hiérarchie ; certains pensent « quitter le navire » dès que possible.

Les difficultés de fins de carrière ne sont donc pas seulement liées au vieillissement ; les conditions de travail proposées aujourd’hui y contribuent fortement.
Une réflexion sur le »système de travail » s’impose.

La chercheure présente enfin plusieurs pistes pour un bien-être en fin de carrière

  • Le temps partiel choisi
    Il peut permettre d’inciter les enseignants à rester sur le marché du travail, à retarder leur départ (rendu alors nécessaire pour une pension de retraite décente)..
  • Remettre en place la Cessation Progressive d’Activité (CPA)
    Jusqu’en 2011, ce système donnait la possibilité aux enseignants de « décrocher » un peu tout en bénéficiant d’une aide de rémunération compensant en partie la perte de traitement.
    Un paradoxe : l’allongement de la carrière alors que la CPA disparaît !!
  • Pouvoir refuser les Heures Supplémentaires
  • Instaurer une réelle médecine du travail
    A l’Éducation Nationale, seuls 49 médecins dits de « prévention » assurent la prise en charge des enseignants et personnels techniques sur le territoire français. Lors du dernier Congrès de la FSU en 2011, un médecin de prévention indiquait que les enseignants de « plus de 50 ans » représentaient 47.5 % des consultations médicales, 56 % relevant de la psychiatrie.
  • Introduire les plans seniors dans l’enseignement
    Ces plans instaurés en 2006 portent sur l’amélioration des conditions de travail et la pénibilité, l’aménagement des fins de carrière, la transition entre activité et retraite. Aujourd’hui, la seule mesure susceptible d’être mise en ½uvre est l’entretien de 2ème partie de carrière, il permettrait à des enseignants en difficultés de modifier leur parcours professionnel.

Le SNETAP et sa fédération, la FSU portent depuis de nombreuses années des mandats sur ces questions et demandent la reprise de discussions avec la fonction publique, les ministères concernés pour aboutir à des réalisations favorables à l’épanouissement des enseignants et un départ en retraite dans les meilleurs conditions possibles.

François BALLEE
catégoriel PLPA PLPA Professeur de Lycée Professionnel Agricole , chargé des questions de fin de carrières enseignantes et retraite
Fabrice CARDON
secrétaire général adjoint secteur corporatif