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La Prime de Fonction et de Résultats - Petit vade-mecum

jeudi 1er avril 2010

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Cette prime a été annoncée à grand renfort de trompes comme ce qui allait être la solution absolue au mal-être d’une filière toute entière, la filière administrative.

On allait voir ce qu’on allait voir, elle serait la solution au manque de reconnaissance de la part de l’administration envers les personnels, elle serait ce qui unifierait tous les agents où qu’ils travaillent dans un grand tout qui les rendrait tous pareils et tous égaux en supprimant l’injustice de voir que, selon les services, tout le monde n’est pas loti de la même façon ...

La DGAFP (Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique) écrit même qu’il s’agit d’ " une pratique dynamique de la gestion des ressources humaines dans le domaine des rémunérations. " iln !

Au-delà de ces effets d’annonce dont le seul but est de leurrer les personnels,

Qu’en est-il exactement ?

Tout d’abord, il faut savoir qu’elle est l’un des outils de la RGPP RGPP Révision générale des politiques publiques (Révision Générale des Politiques Publiques) et de la mobilité qui en découle.

L’idée est de casser les statuts particuliers de corps de la Fonction Publique de l’État et de créer des filières, des " cadres d’emplois ministériels " sur le modèle de ce qui existe à la Fonction Publique Territoriale.

Ce nouveau système casse les métiers particuliers à chaque administration et organise des filières " fourre-tout " où tout agent est censé pouvoir en remplacer un autre où qu’il travaille.

Et en effet, afin de " permettre " le passage d’une administration à une autre aux agents dont le poste a été supprimé du fait de cette politique de réduction du nombre des fonctionnaires, de cette politique d’affaiblissement du service rendu au public, il fallait unifier le régime indemnitaire.

Toutefois, il n’était pas nécessaire de profiter de cette refonte pour commencer à mettre en ½uvre l’individualisation des salaires ...

Concrètement, comment est-ce fabriqué ?

C’est la fin du régime indemnitaire existant, les différentes primes (IAT IAT Indemnité d’Administration et de Technicité , IFTS IFTS Indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires , indemnité de gestion, NBI NBI Nouvelle bonification indiciaire , prime informatique, ...) sont supprimées et remplacées par la PFR PFR Prime de fonctions et de résultats qui est versée mensuellement.

Comme son nom l’indique, elle est composée de deux parties qui s’additionnent, la partie Fonctions et la partie Résultats. Elles sont modulables indépendamment l’une de l’autre.

La part fonctionnelle qui constitue 60 % de la prime, évolue de 1 à 6, elle prend en compte les particularités du poste occupé : responsabilités, niveau d’expertise, sujétions spéciales ... Bien sûr, cela implique une typologie des postes : un poste d’administratif, qu’il soit de catégorie A, B, ou C, sera différent selon le lieu où il se trouve ... Cette part, au coefficient de 1 au moins, est propre à chaque poste et n’évolue pas d’une année sur l’autre s’il n’y a pas mutation. Et on nous parle d’unification ?

La part dite de " résultats " est, elle, totalement individuelle, elle est modulable de 0 à 6 et révisable tous les ans, selon ce que pense le chef de service de la manière de servir de l’agent et de sa " performance " [1] ...

On voit combien ces deux critères sont aléatoires et en prise directe avec les relations personnelles existant entre chaque agent et son chef de service.

En effet, comment noter " la manière de servir ", quels critères neutres et concrets pourraient être pris en compte ? Quant à la " performance " (c’est-à-dire la manière d’exécuter et d’accomplir), elle est définie au préalable à l’occasion d’un entretien d’évaluation à l’occasion duquel, chaque année, sont signifiés à l’agent les objectifs à atteindre.

On comprend ici aussi que le choix des objectifs peut, ou non, mettre en difficulté l’agent selon les rapports qu’il entretient avec son chef de service.

Du fait de la variabilité des deux parts, selon le poste et selon l’agent, à l’extrême il peut y avoir une variation de 1 à 10 entre les montants effectivement perçus. Et si on ajoute par là-dessus que quelques agents auront la chance de percevoir un " bonus " accordé à discrétion, on voit combien cette prime individualise la rémunération. Et on nous parle d’unification ?

Cerise sur le gâteau de cette prétendue unification des agents tous lotis à la même enseigne, il faut savoir que pour les attachés, les montants de référence ne sont pas les mêmes entre ceux qui travaillent en centrale et ceux qui sont dans les services déconcentrés et les établissements publics.

Et enfin, si les taux de référence utilisés pour le calcul des deux parties de la prime sont déterminés par grade au sein d’un arrêté commun à l’ensemble des ministères, quatre arrêtés dérogatoires fixent des montants supérieurs pour des ministères spécifiques (Services du Premier ministre, ministères économiques et financiers, ministère de la défense et ministères sociaux) ...

On voit que le grand tout unificateur s’éloigne ...

En pratique, cela marchera comment ?

C’est l’entretien d’évaluation annuel entre le chef de service et l’agent qui est le pivot de cette innovation.

À l’occasion de cet échange, le travail, la manière d’être et de faire de l’agent seront décortiqués et c’est le seul chef de service qui déterminera la modulation de la partie mobile (la " performance "), c’est ce que Éric Woerth, Ministre de la Fonction Publique a appelé, lors du Conseil des Ministres du 26 novembre 2008 lors de la présentation du projet, " une rémunération des fonctionnaires juste et efficace " ...

Mais le pire ne s’arrête pas là ...

En effet, si au moins tous les agents d’un même service pouvaient se voir reconnaître leur bonne volonté, leur énergie et leur esprit d’initiative au travail, nous aurions plus de peine à contester ces changements.

Or, l’étroitesse des enveloppes financières bornent fermement tout velléité d’un chef de service à vouloir reconnaître les qualités professionnelles de l’ensemble de son équipe ...

Il faut dire que cette invention est née d’un esprit pervers et mal intentionné qui n’imagine même pas que dans un service, tout le monde peut bien travailler et que la bonne entente et la cohésion peuvent y régner. En réalité, celui qui bénéficiera du " gros lot " (qu’aura t-il dû faire pour cela ? Et qu’en sera t-il les années suivantes ?), ce sera au détriment de ses collègues de travail car ce que l’un touche, c’est ce qui n’a pas été donné à l’autre : c’est la règle du jeu à somme nulle ...

D’autre part, les mobilités forcées dues à la réforme de l’État peuvent faire qu’un agent ne retrouve pas un poste avec la même cotation que celui qu’il quitte et qu’ainsi il voit la part fixe de la prime baisser sans qu’il n’y puisse rien ...

Que fait-on pour enrayer cette " belle " machine ?

Nous devons casser l’idée gouvernementale que, grâce à la mise en place de la PFR, on voit progressivement l’image du " fonctionnaire uniformément bien noté " faire place au fonctionnaire évalué avec plus de soin auquel on fixe des objectifs et dont on prend en compte les besoins d’évolution et de formation.(revue du Ministère de la Fonction Publique : Service Public n°138).

Nous devons rappeler que c’est unis que nous servirons le mieux les missions de la Fonction Publique, que cette casse des solidarités collectives, cette mise en ½uvre de l’individualisation et de la méritocratie, défont le service public, déconstruisent ce que des années de travail ensemble et dans un même but, avaient organisé. Ce n’est pas ainsi que les agents publics se sentiront reconnus et valorisés.

Il est évidemment possible de contester auprès des Commissions Administratives Paritaires et il ne faut pas s’en priver en vertu de l’adage selon lequel le droit syndical ne s’use que si l’on en s’en sert pas !

Restons vigilants car cet outil est le cheval de Troie du salaire tri-partite complètement assujetti à l’emploi et à l’individualisation, et non plus au grade.

N’hésitons pas à rappeler à toutes les occasions possibles (actions locales, régionales et nationales, manifestations, grèves, ...) que c’est d’une véritable revalorisation indiciaire dont la fonction publique a besoin et pas de cette concurrence perverse et malfaisante qui, à la longue, risque d’affaiblir la qualité du service public.


Pour en savoir plus : modalités de calcul de la PFR pour les administratifs A et rappel des primes actuelles pour les administratifs B et C


[1Ce qui, en bon français, veut dire "atteindre la victoire et le succès" tel un cheval de course, et non le simple fait d’"exécuter" ou "accomplir" comme en anglais, car il s’agit d’ un anglicisme qu’on n’a même pas pris la peine de traduire : cela permet de jouer sur l’ambiguïté entre les deux sens et signe l’origine de ce genre d’évaluation ...