Un contexte politique entre décomposition et recomposition... et des citoyens qui ne sauraient en rester là
Le quinquennat qui s’est achevé portait déjà en germe les résultats de l’élection présidentielle de cette année 2022 : avec un « ruissellement » qui n’a pas eu lieu, des services publics abîmés, une société précarisée victimes de crises à répétition, ou encore le spectre toujours d’actualité d’une retraite portée à 65 ans pour ne citer que cette mesure inique de régression sociale comme horizon. Ainsi l’abstention et l’extrême droite sortent renforcées de cette élection, et laissent résiduellement la place à un ex-nouveau président le plus mal élu depuis Georges Pompidou.
Le pouvoir d’achat, dans un contexte d’inflation accrue, et l’écologie, dans un contexte de pandémie qui n’est toujours pas derrière nous et d’urgence climatique qui s’aggrave encore, ayant été mis à mal par les derniers gouvernements successifs, alors même que ces sujets sont à la première place des préoccupations des Français, ont rendu criante la crise démocratique comme la défiance institutionnelle.
Évidemment, l’accroissement des inégalités, la verticalité du pouvoir tel qu’il a pu être exercé, l’absence de considération pour les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs ont également fortement participé à cette crise démocratique comme maltraiter le dialogue social, réduit le plus souvent à un monologue notamment dans la fonction publique. Ce pouvoir aura méthodiquement, d’un budget à l’autre, abaissé à nouveau les services publics, notamment de santé, alors même que ceux-ci constituent un rempart nécessaire aux crises sociale, terroriste, sanitaire, alimentaire et environnementale, qui ont ponctué ce quinquennat. Et pour toute perspective, il nous engage, sans le dire mais tout en le faisant, sur le chemin de la régression sociale, avec une retraite qui nous est promise comme le pendu portant sa corde à 65 ans, sur fond d’une véritable cure d’austérité budgétaire...
Ainsi, mais ceci explique sans doute cela, le programme dit de stabilité transmis par la France à la Commission européenne et portant jusqu’à la fin du quinquennat prévoit la baisse des dépenses publiques de 56 % en 2022 à 53,1 % en 2027. Il s’agit bien ici d’un programme d’austérité sans précédent, qui creuserait les inégalités par une baisse massive des dépenses sociales. Précisons que ces dernières représentaient 60,4% du PIB en 2021 et 61,3% en 2020.
Dans ce contexte asphyxiant, le Conseil Syndical National du SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire réuni à l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort en ce début mai appelle les collègues à se mobiliser dans les urnes. Il considère que la période électorale et l’unification de la gauche sur une base programmatique visant le progrès social et la préservation de l’environnement, entre le scrutin présidentiel et celui des législatives, est clairement porteuse d’espoirs et doit permettre de combattre les fléaux tant de l’abstentionnisme que de l’attractivité frauduleuse de l’extrême droite.
En ce sens, le SNETAP-FSU se doit de conduire une analyse des différents programmes, comme il l’a fait pour les présidentielles avec le Collectif en faveur de l’EAP
EAP
Enseignement Agricole Public
ou
Emploi d’avenir professeur
, afin de la porter à connaissance des personnels. Le CSN
CSN
Conseil Syndical National
mandate d’ores et déjà le secrétariat général, en lien avec notre fédération, pour interroger les différents partis républicains sur leurs programmes et plus particulièrement sur leurs ambitions pour l’enseignement agricole et maritime public.
Un contexte socio-économique toujours plombé et une nécessité intersyndicale à agir
La transition écologique et agroécologique sont des urgences, sur fond d’un 6ème rapport du GIEC qui a dépassé toutes les cotes d’alerte. L’ex président candidat Macron, dans l’entre-deux tours a déclaré en opportunité que « ce quinquennat serait écologique ou ne serait pas ». Or, force est de constater que son gouvernement comme les député.es de sa majorité nous ont montré quant à eux, et malgré leurs effets de manche verdissants, que leur politique comme les quelques décisions qu’ils avaient pu prendre 5 années durant n’étaient résolument pas à la hauteur avec deux condamnations judiciaires de l’État français pour inaction climatique à la clé.
A tel point que la commission européenne, comme l’autorité environnementale rattachée au MTE viennent chacune de relever en ce début mai l’inaction climatique et agro-environnementale des ministres de l’agriculture qui se sont succédé !
Et les orientations productivistes et industrielles défendues tant par Julien Denormandie que par la FNSEA FNSEA Fédération nationale de syndicats d’exploitants agricoles n’augurent assurément pas mieux, si ce n’est pire encore ! On se référera utilement à une tribune dont le SNETAP-FSU et la FSU sont signataires qui vient de paraître intitulée Prétendre éviter des crises alimentaires en Afrique et au Moyen Orient en relançant la production agricole européenne est une erreur.
« En mettant à jour la dépendance de l’Europe aux énergies fossiles importées, la guerre confirme l’absurdité de vouloir relancer l’agriculture industrielle. Car celle-ci est totalement dépendante du pétrole et du gaz naturel pour fabriquer ses intrants (pesticides, engrais, carburants) dont elle ne peut pas se passer, et du soja importé pour l’alimentation animale. Les inquiétudes générées par la flambée du prix de l’engrais azoté sont là pour nous le rappeler. (…)
Depuis quelques mois, et bien avant la guerre en Ukraine, les défenseurs de la production agricole industrielle cherchent tous les prétextes pour remettre en cause la stratégie « de la ferme à la fourchette », volet agricole du Pacte Vert pour l’Europe. Agiter le spectre de famines en Afrique est un bon moyen de détourner l’attention des risques d’une accélération de la crise au bénéfice d’une poignée de gagnants. Alors qu’elle assure la présidence du Conseil européen, la France, grand pays agricole, est en train de manquer un rendez-vous avec l’histoire : celui de repenser son alimentation, qui nous relie à nous-même, aux autres et à la biosphère, dans un monde qui change. Elle doit au contraire pousser à des changements de politique agricole et alimentaire pour accompagner la transition du système alimentaire européen, plus que jamais urgente, vers plus d’agroécologie et de sobriété ».
Pour nous, les services publics et plus spécifiquement l’enseignement agricole et maritime public peuvent et doivent servir de levier pour opérer cette bifurcation écologique, en relevant en particulier le défi du « mur démographique » qui est désormais une réalité avec dans les 5 à 8 ans la moitié de la population agricole qui part en retraite et celui de la nécessité de relocaliser notre alimentation en s’appuyant sur une agriculture paysanne socialement et écologiquement responsables.
En ce sens, la loi d’orientation agricole comme les travaux sur le projet stratégique et le 7ème schéma national des formations, qui se déclineront jusque dans les PREA-Publics, se doivent d’être porteurs d’ambitions et de moyens à la hauteur de ces enjeux et le SNETAP-FSU saura, avec le Comité de Défense et de Développement de l’EAP, y prendre toute sa part.
Pour parvenir concrètement à relever ces défis qui nous obligent collectivement, une réforme ambitieuse et progressiste de la voie professionnelle est nécessaire, mais à rebours de celle qui se dessine dans la continuité de la loi Pénicaud, dont la nécessité d’abrogation n’a sans doute jamais été aussi criante, sur fond de marchandisation effective et accélérée de l’Éducation, avec une prolifération d’écoles telles Hectar, Être, CFA CFA Centre de Formation d’Apprentis Lactalis, école vétérinaire privée d’UniLaSalle...
Revaloriser, promouvoir, développer la voie professionnelle passe nécessairement par une élévation du niveau de qualification... et certainement pas par un dessaisissement, pour ne pas dire une liquidation des lycées professionnels au profit de l’entreprise, ou encore une fusion des CFA-CFPPA
CFPPA
Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole
(formation continue pour adultes)
à rebours de la complémentarité des centres et des voies de formation qui ont jusque là fait la force de nos EPL
EPL
Établissement Public Local
...
Oui l’enseignement professionnel par voie scolaire comme par la voie de l’apprentissage doivent continuer de relever de la formation initiale et non tendre à se confondre avec la formation continue pour adultes ! Par suite, c’est d’une scolarité portée à 18 ans dont la future assemblée nationale devrait se saisir... urgemment... Et ce n’est pas le domaine agricole qui nous démentira, fort de métiers de la transition écologique en prise directe avec la nature, la terre et le vivant aussi passionnants qu’exigeants et diversifiés dans les savoirs et compétences qu’ils exigent.
De même, concernant les agent.es du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation œuvrant au quotidien pour permettre cette transition, il est plus que temps de reconnaître leur valeur, en confortant leurs statuts, en revalorisant leur rémunération, en combattant la précarité, précarité encore accrue par la loi de transformation de la fonction publique. La FSU comme le SNETAP-FSU continuent d’exiger son abrogation en ce qu’elle a aussi de délétère pour le dialogue social, avec comme corollaire une perte de transparence tant sur la mobilité que sur les avancements des agent.es publics. Cette loi induit par suite de nombreuses erreurs dans les décisions prises et in fine une maltraitance des personnels. L’absence de considération pour les agents en situation de handicap, pourtant « grande cause » affichée du quinquennat précédant, confine également à la maltraitance. Plus spécifiquement, la reprise dès ce début de quinquennat des travaux sur le protocole des agent.es contractuel.lles sur budget des CFA/CFPPA ne saurait se traduire autrement que par l’amélioration des conditions de travail et de rémunération des agents œuvrant dans ces centres !
En terme de grandes orientations comme de mesures catégorielles, le syndicalisme de lutte et de transformation sociale que nous portons avec nos camarades de la CGT CGT Confédération générale du travail et de SOLIDAIRES dans un mandat partagé allant dans le sens de l’unification, résonne particulièrement dans le contexte d’union de la gauche. Il devra, quelle que soit l’issue du proche scrutin législatif, peser de tout son poids pour que les arbitrages politiques qui seront rendus soient à la hauteur des attentes légitimes des personnels comme de la société.
En ce sens, aux prochaines élections professionnelles sur la base d’une plate-forme revendicative commune, nous partirons donc au sein du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation unis avec nos camarades du Snuitam-FSU mais aussi de la CGT Agri et de SUD SUD Solidaires unitaires démocratiques Rural Territoires. Il nous revient de réussir cette union de convictions en responsabilité, qui donnera encore davantage de sens et de puissance à nos mandats comme à nos actions communes, ainsi qu’à nos résultats lors du scrutin de décembre 2022.
Le Conseil Syndical National appelle résolument l’ensemble des personnels de l’EAP :
(1) à se joindre le 21 mai aux marches organisées en région contre Monsanto-Bayer et l’agrochimie
(2) à prendre toute leur part le 25 mai sur Paris àla journée de lutte contre la précarité organisée par la FSU (débat et propositions en matinée, rassemblement et interpellation des partis en apm)
(3) à contribuer activement à l’élaboration d’un livre noir de la précarité au sein de l’enseignement agricole technique, supérieur, et maritime public qui fera l’objet d’une remise militante au nouvel exécutif et à la représentation nationale, afin de tourner le dos à une société de la précarité croissante
(4) à soutenir l’appel à la grève des convocations aux examens des enseignant.es en CFA-CFPPA et à une journée d’action intersyndicale fin juin en lien avec un protocole national toujours à l’arrêt
(5) à s’engager au regard des situations en région dans une action judiciaire pour exiger que le droit de tout.e salarié.e à une médecine du travail soit rétabli là où il n’existe plus de fait
(6) à participer le 11 juin à la journée nationale en faveur de l’EAP organisée par la FCPE FCPE Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques au lycée agricole de Tours-Fondettes, autour de spécificités propres à nos établissements (tables-rondes sur l’Education Socioculturelle (en matinée en présentiel et en distanciel) et sur l’agroécologie et le développement territorial via nos exploitations (en apm en présentiel)
(7) à contribuer dès la rentrée prochaine à une campagne « Pour une gratuité réelle » dans l’EAP que nous allons lancer avec l’appui du Comité de Défense et de Développement de l’EAP et porter auprès de la DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche comme auprès de nos CA d’établissements
(8) à s’inscrire dans les mobilisations qui seront nécessaires dès la rentrée de septembre, avec l’organisation avant cette fin d’année scolaire d’Assemblées Générales, sous forme d’Heures Mensuelles d’Information Syndicales, devant permettre un diagnostic partagé quant aux enjeux et d’envisager les actions nécessaires pour y répondre !
Paris, le 12 mai 2022