Le contexte de médiatisation extrême de la réalité du terrorisme est déjà angoissant pour les enfants. Garder des élèves de 10 ans (voire moins) en retenue au poste de police pendant une journée est purement scandaleux et inacceptable... Peut-on imaginer le choc d’une intervention policière à l’aube, chez une famille, pour embarquer une jeune fille de 10 ans et la maintenir en interrogatoire pendant 9 heures pour des propos aussi choquants soient-ils, prononcés en classe ?
L’arsenal judiciaire de la justice des majeur-es vient ici répondre à des mots d’enfants sans tenir compte des spécificités inhérentes à leur âge, de leur impossibilité à penser l’impensable et à se projeter dans une mécanique judiciaire qui leur reste incompréhensible. En effet, Comment imaginer qu’un enfant, dont la maturité psychique est en construction, puisse faire preuve de suffisamment de discernement face à une situation aussi déstabilisante et complexe ? Une approche éducative est la mieux à même de mesurer à quel point cet enfant a ou non conscience de ses propos et dans quel contexte familial, sociétal, ils sont prononcés.
Il ne fait évidemment aucun doute que les propos tenus doivent être désapprouvés et repris dans le cadre d’un travail éducatif et pédagogique. L’esprit de la justice pénale des mineurs en France a toujours, depuis l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, été de faire prévaloir le principe de l’éducation sur celui de la répression.
Se pose alors clairement la question du climat conduisant des personnels éducatifs à adopter un tel regard qui trahit une peur des élèves, une perte du lien de confiance avec eux et leur famille et qui, à terme, pourrait handicaper la transmission de certains savoirs, de l’esprit critique, et de la liberté d’expression qui permettent de faire société. Nos organisations syndicales défendent qu’enseigner, apprendre est un rapport singulier à la connaissance qui nécessite pour chacun et chacune d’être bousculé-e et de remettre en question ses certitudes afin de s’approprier un savoir qui ne soit pas une simple répétition mais une appropriation de connaissances nouvelles.
Ceci révèle aussi combien le temps de préparation de l’hommage à Samuel Paty, accordé puis retiré aux équipes pédagogiques a manqué. Tout comme manque cruellement aux personnels une formation initiale et continue de qualité pour mener ces débats délicats avec les élèves.
Face à ces comportements, les personnels éducatifs (enseignant-es, éducateur-trices et travailleur-ses sociaux-ales…) doivent continuer à prioriser et maintenir une réponse éducative d’échange, de discussion afin de déconstruire de tels propos, être soutenu-es par leur hiérarchie et avoir les moyens humains pour y parvenir. L’intimidation et la criminalisation de ces jeunes, la judiciarisation à tout crin de ces situations ne réussiront pas à les émanciper et à en faire de futurs citoyens.