La délégation intersyndicale a été reçue par le Directeur des Affaires Maritimes, Thierry COQUIL, accompagné de Chantal RELAND (adjointe au sous-directeur), Nicolas SINGELLOS (chef bureau GM1) et Agnès DESBOIS (cheffe du bureau GM2).
L‘intersyndicale a reproché la méthode, alors que nous étions engagés dans un dialogue social sur la rénovation des bacs pros, et qu’à la mi-janvier on nous a mis devant une réforme complète des cursus.
Le DAM
DAM
Direction des Affaires Maritimes
a admis qu’il y avait eu un problème de communication. La situation de blocage qu’il a constatée après plus d’un an de travail, ainsi que la réforme de l’enseignement professionnel à l’EN
EN
Éducation nationale
, l’ont amené à envisager les choses de manière plus large. Il souhaite que l’on puisse poursuivre le dialogue, et que les échanges permettent de partager le constat et les objectifs.
Concernant le constat, le DAM énonce ses priorités : répondre au rapport EMSA
EMSA
En anglais : European Maritime Safety Agency
Agence européenne pour la sécurité maritime
de 2012, au rapport IGAM de 2015, augmenter l’attractivité et la lisibilité de nos formations. Pour les objectifs, il refuse le « retour en arrière » pour un élève (repositionnement), il affirme la nécessité pour l’enseignement maritime de rattacher un diplôme à chaque niveau de formation… Il précise que, dans un contexte de moyens constants, toute économie réalisée dans le dispositif de formation lui permettra d’ouvrir de nouvelles formations (bac polyvalent, BTS
BTS
Brevet de technicien supérieur
MARN).
Les propositions de l’intersyndicale
Avenir du CAP
CAP
Commission administrative paritaire
C’est une instance de représentation et de dialogue de la fonction publique française.
Les CAP sont chargées d’examiner des situations individuelles, mais elles soumettent aussi parfois des motions à caractère collectif.
Si une seconde doit attribuer des prérogatives, il y a un risque à ce que les familles et les élèves privilégient cette voie plutôt que le CAP, même si les élèves n’ont pas le niveau. À un moment où l’enseignement maritime doit être en mesure de répondre à un besoin de renouvellement de l’ordre de 40 % des marins dans les prochaines années, il faut préserver cette formation qui répond à un public et à des débouchés.
La seconde « tronc commun »
Le rapport Marcon-Calvez sur l’enseignement professionnel justifie la seconde de détermination par la nécessité pour l’élève de mûrir son projet professionnel. Il fait le constat que seulement 14 % des élèves choisissent la voie professionnelle à l’Education Nationale alors que 36 % y vont. Il y a donc pour ces élèves une orientation subie, et un taux d’échec renoncement réorientation important. Ce n’est absolument pas le cas dans l’enseignement maritime : venir à l’enseignement maritime c’est faire le choix fort de la « Mer » et de sortir de l’Education Nationale. Nos élèves sont parfois même obligés de se battre contre les résultats de la procédure Affelnet. Ils ont par ailleurs ,le plus souvent, un projet professionnel affirmé dès l’entrée en seconde pour la filière « Pont » ou la filière « Machine ».
D’autre part, la seconde de détermination à l’EN
EN
Éducation nationale
se trouvera dans un « lycée des Métiers », qui offre l’ensemble des formations du champ professionnel. La DAM a affirmé que chaque LPM
LPM
Lycée professionnel maritime
ne disposerait pas de l’ensemble des formations. Dans ce cas, comment gérer les flux d’affectation par section à l’issue de la seconde ? Et comment ne pas biaiser sur le projet professionnel de l’élève quand il faudra remplir
les sections selon la structure pédagogique de l’établissement ?
La discussion fait ressortir le constat partagé que de nombreux enseignements en seconde sont communs (enseignement général + champ maritime), et qu’un choix d’options permettant dès ce niveau une spécialisation professionnelle pourrait être une réponse appropriée.
Les bacs professionnels
La création d’un bac polyvalent, qui semble correspondre à l’attente d’une partie de la profession ,aura pour effet de compromettre les 2 autres filières que le projet actuel de l’administration met en concurrence à travers des prérogatives similaires. Il faut que les prérogatives restent attractives pour les bacs pont et machine.
C’est particulièrement vrai pour le bac EMM
EMM
ÉlectroMécanicien Marine
, dont la prérogative baisserait à 750 kW. L’intersyndicale souhaite fermement le maintien des prérogatives du 3000 kW limité à 200 miles, avec application effective des notes minimales aux matières professionnelles, déjà prévues dans l’arrêté précisant les conditions de délivrance du diplôme. Cette exigence a toujours été soutenue par les représentants des enseignants, demandant à ce que soient dissociées la validation d’un diplôme reconnu EN, et la délivrance d’un diplôme maritime. Nous persistons dans cette exigence de garantir le niveau professionnel des élèves qui disposeront du brevet après temps de navigation.
Par ailleurs, l’impossibilité de répondre à l’ensemble des exigences STCW
STCW
En anglais : Convention on Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers
Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille
pour ce diplôme n’a jamais été réellement démontrée, et n’a jamais fait l’objet d’une expertise approfondie et contradictoire entre l’administration et les enseignants des lycées. Par exemple les Périodes de Formation en Entreprise(stages) , encadrées par le registre de formation à bord (STCW), n’ont pas été pris en compte par l’IGEM
IGEM
Inspection générale de l’enseignement maritime
pour évaluer la durée de formation des certificats STCW dans les cursus de Bac Pro
maritimes ! Ce travail reste à faire, et si nous avions eu connaissance, dès sa parution en 2012, du rapport EMSA, la « rénovation » des bacs professionnels engagée en 2016 serait réglée depuis longtemps.
En revanche, si le maintien des prérogatives 3000 kW restreint au BAC EMM n’était pas acté, nous nous opposerions formellement à la création du BAC PRO polyvalent.
Comme alternative à la proposition de Bac Polyvalent, l’intersyndicale propose la création d’une mention complémentaire post bac EMM qui donnerait l’accès au C200.
Niveau BTS
Notre première critique a porté sur la classe de mise à niveau, intégrée au BTS dans le projet. La mise à niveau des élèves issus d’un bac général pour poursuivre en BTS vise à la fois les enseignements professionnels maritimes, mais également les tickets STCW indispensables. Il n’y a pas trop d’une année pour y répondre. Mixer la classe MAN avec les élèves en provenance des Bac Pro maritime n’est pas réaliste, cela réduirait drastiquement la durée des enseignements professionnels sur les deux ans de BTSM
BTSM
Brevet de technicien supérieur maritime
. Et que fait l’équipe pédagogique des élèves en provenance de Bac Pro sur cette période ? L’intersyndicale demande le maintien des classes MAN.
La création d’un BTS MARN était une demande des enseignants lors de la mise en place des BTSM en 2013/2014. Cette formation ne doit pas être concurrente du BTS MASEN, qui est en train de trouver son public et démontrer sa pertinence. Le BTS MARN doit conduire à la délivrance d’un diplôme STCW.
Après discussion avec l’administration, nous proposons qu’il débouche sur la prérogative OCQM
OCQM
Officier Chef de Quart Machine
/8000 kw.
Cette proposition est parfaitement cohérente avec l’OCQP / Capitaine de pêche du BTSM PGEM.
La poursuite d’études en L2 ou L3
Le projet de l’administration prévoit pour les BTSM une poursuite d’études en L2. Nous avons contesté ce niveau d’orientation. En effet la vision que l’administration a de l’intégration de nos élèves de BTSM dans les classes L3 de l’ENSM
ENSM
École nationale supérieure maritime
, a été faussée par un rapport sur le BTS MASEN du directeur des études de l’ENSM biaisé ! L’analyse n’a porté que sur la première session de BTSM MASEN, mais sans repréciser à l’attention des lecteurs non avertis que les BTSM ont été mis en place dès septembre 2014, alors que les référentiels n’étaient pas encore écrits : les équipes d’enseignants ont dû les écrire « en marchant ». Pour ce que nous en savons, la réalité des résultats d’intégration est positive, encore plus depuis que des ajustements ont été réalisés dans les programmes. L’intersyndicale demande une évaluation complète et objective des résultats de l’intégration des élèves issus des BTSM MASEN et PGEM dans les L3 de l’ENSM, prenant en compte les résultats intermédiaires des sessions L3 en cours.
Analyse post-réunion de l’intersyndicale
Nous avons été écoutés cela ne veut pas dire que nous serons entendus. L’intersyndicale s’est attachée à présenter des arguments objectivés, prenant en compte l’approche pédagogique, la cohérence de l’architecture des filières et formations secondaires maritimes, leur adéquation avec les exigences de la STCW, seule référence valable pour nos enseignements.
Nous avons également pris en compte les intérêts du milieu professionnel, en ne souhaitant pas que l’on maintienne plus que nécessaire les élèves dans le dispositif de formation. Nous nous interrogeons d’ailleurs sur le fait que la profession soit favorable au schéma proposé, puisqu’il aboutit, si on laisse le projet en l’état, à une déprofessionnalisation des enseignements maritimes (classes de mise à niveau intégrées dans BTSM, seconde tronc commun, réduction des prérogatives…). L’exemple le plus criant serait la nécessité de passer 5 ans d’études (bac + BTS) pour accéder au brevet 3000 kW, là où il y a une dizaine d’années un BEP
BEP
Brevet d’études professionnelles
suffisait pour accéder à cette prérogative (OM3).
Le constat de départ partagé ne peut l‘être que si toutes les parties prenantes au dialogue disposent du même niveau d’information. A ce titre, le rapport EMSA de 2012, qui nous a été transmis, à notre demande, en 2018 ( !) a été expurgé de la page 31, et l’administration fait état d’un rapport de l’IGAM de 2015, dont nous ne disposons pas. Nous demandons la diffusion de ces documents.
La proposition de mention complémentaire (MC) C200 post bac EMM, pourrait aussi avoir son pendant pour la filière pont avec une MC 750 kW.
La question de l’attractivité de la formation maritime tient également à l‘attractivité du métier en lui même et de ce qu’en renvoient certains professionnels. Par ailleurs, si nous avons longuement évoqué le rôle éminent des lycées professionnels maritimes dans la promotion des formations, nous pourrions également discuter du rôle de l’Etat et de ses services centraux pour y contribuer.
Vos représentants de l’intersyndicale :
Ronan BOEZENNEC (SNETAP-FSU
FSU
Fédération Syndicale Unitaire
) Jacques DUCHE (CGT
CGT
Confédération générale du travail
) Jérôme LECARDONNEL (CFDT
CFDT
Confédération française et démocratique du travail
) Anne LEJEUNE (CGT) Gurvan SIMON (SNETAP-FSU) François YVON (CFDT)
Saint-Malo, Sète et Le Guilvinec, le 23/03/2018