« […] Ainsi pour atteindre ces objectifs, est également prévu, dans le cadre d’une meilleure prise en compte des parcours des élèves et d’une individualisation de ceux-ci, que soient identifiés les possibilités de faire effectuer des parcours en 4 ans. Ceci peut se traduire par le mise en place de groupes voire de classes spécifiques si les effectifs le justifient, vers lesquels seront orientés certains élèves en fin de classe de secondes professionnelles dans une perspective de consolider les acquis et privilégier l’obtention du BEPA BEPA Brevet d’études professionnelles agricoles (…). » [1].
Le SNETAP-FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire rappelle que cette décision a été prise par le ministre de l’Agriculture Barnier à la demande des professionnels et des représentants des parents d’élèves et des personnels de l’enseignement agricole.
Le décret 2009-674 du 11 juin 2009 portant rénovation de l’enseignement professionnel agricole du second degré et modifiant le code rural précise :
« La durée de ce cycle [3 ans] peut, le cas échéant être modifiée s’agissant d’un élève pour lequel une décision de positionnement, prise dans les conditions fixées aux articles D 337-62 et D337-63 du code de l’éducation le justifie. »
À partir de cette décision, la procédure de classe spécifique s’est mise en place. La décision de proposer un parcours 4 ans à un jeune relève tout d’abord d’un dispositif de positionnement conformément aux articles D337-62 et D337-63 du code de l’éducation :
« La décision de positionnement fixe la durée de formation qui sera requise lors de l’inscription au diplôme. Elle est prononcée par le recteur ou le DRAAF DRAAF Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt ou le directeur interrégional de la mer pour les candidats relevant des deuxième et troisième alinéas de l’article D 337-53 du code de l’éducation, à la demande du candidat, après son admission dans un établissement (…) »
La note de service du 14 janvier 2010 relative à la rentrée scolaire de septembre 2010 a fixé les modalités de mise en place d’une telle classe spécifique en précisant « les classes spécifiques peuvent donc se mettre en place dans le cadre de cette disposition réglementaire » [2].
Le SNETAP-FSU constate donc que ce dispositif de la classe spécifique s’inscrit totalement dans la pédagogie différenciée. Ce dispositif doit avoir toute sa place dans les dispositifs inscrits dans la rénovation de la Voie Professionnelle (RVP RVP Rénovation de la voie professionnelle ), au même titre que les autres démarches de diversification des pratiques pédagogiques.
...mais une architecture manquante dans le cahier des charges de l’individualisation des parcours
La note de service du 14 janvier 2010 devait fixer complètement le cahier des charges de cette classe spécifique.
Tout d’abord, elle fixe les conditions d’accès à ces classes :
- Un effectif minimum de 10 élèves ; en dessous de cet effectif, le texte parle de groupe ;
- Des résultats faibles à au moins 3 des 4 CCF CCF Contrôle Certificatif en cours de Formation de la classe de seconde professionnelle pour l’acquisition du BEPA en précisant que ces résultats « peuvent constituer un révélateur de cette situation (…) (la prise en compte des notes obtenues en seconde professionnelle vaut positionnement) » [3].
- Le droit de refus de la part du jeune et de sa famille et le passage de droit en classe de première professionnelle.
- L’objectif de cette classe est de viser à la fois l’obtention du BEPA et une poursuite de formation vers le baccalauréat professionnel
La note de service met en place une architecture qui comprend à la fois des enseignements en classe de seconde professionnelle pour un volume de 330 heures, des enseignements en classe de première professionnelle pour un volume de 109 heures ainsi que des enseignements spécifiques pour un volume de 491 heures.
Par cette décision d’architecture, la DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche n’a défini en fait que le groupe tel qu’il est prévu dans la note de service soit moins de 10 élèves. Pour ce groupe, le choix a été fait de ne pas structurer totalement le « groupe-classe » au risque de nier sa valeur éducative et pédagogique pour les jeunes qui la composent. En effet, ces élèves, déjà en difficulté scolaire au regard de leurs résultats en classe de seconde professionnelle, ne sont pas « tout-à-fait redoublants », ne sont pas « passés en classe de première professionnelle » et ne « forment pas une classe véritable ».
Malheureusement, la DGER n’a pas poursuivi son travail en mettant en place une architecture cohérente pour la classe (soit les groupes supérieurs à 10 élèves), laissant ainsi les équipes pédagogiques en difficulté pour répondre à des élèves en situation difficile à la fin de la classe de seconde professionnelle. Pourtant une telle classe est nécessaire, pertinente au regard des résultats obtenus lors de la première session du baccalauréat professionnel en juin 2012.
Devant cette absence d’outil, d’architecture, plusieurs équipes pédagogiques ont renoncé à la mise en place d’une telle classe spécifique, tout en hésitant à proposer aux jeunes en difficulté la mise en place d’un groupe spécifique, compte tenu des difficultés organisationnelles qu’il engendre et le positionnement de ce groupe entre plusieurs classes.
Pourtant, au moins un établissement, confronté à un nombre supérieur à 10 élèves en situation d’échec à la fin de la seconde professionnelle, a mis en place, à partir de la note de service définissant le groupe (et non la classe) et après de longues négociations avec l’administration, une classe spécifique qui a été appelée la « classe Prépa BEPA ».
La seule classe spécifique en France : la classe prépa-BEPA au lycée de Tours-Fondettes
Portée par une équipe pédagogique, soutenue par la direction de l’établissement, la classe prépa-BEPA s’est mise en place à la rentrée de septembre 2010.
après un important travail préparatoire, l’équipe et la direction ont obtenu la mise en place d’une véritable classe permettant de lever les obstacles de l’architecture proposée par l’administration dans la note de service de janvier 2010.
Grâce à une enveloppe DGH DGH Dotation globale horaire supplémentaire, non prise sur l’enveloppe régionale mais octroyée par la DGER, la classe fonctionne depuis 3 années sur les principes suivants :
- 26,5 heures de cours
- moins de 16 élèves
- 2 heures de suivi avec des enseignants (2 enseignants) sous la forme d’un tutorat
- travail individuel et étude encadrés par un AE
AE
Assistant d’éducation
ou
Autorisation d’engagement - 6 semaines de stage.
L’intérêt de cette classe prépa-bepa est double avec d’une part une véritable individualisation du parcours de ces élèves repérés en difficulté en classe de seconde professionnelle et à qui l’établissement a proposé ce dispositif après un positionnement réalisé et d’autre part, l’équipe pédagogique et la direction ont souhaité mettre en place une véritable pédagogie différenciée en choisissant de travailler avec Agro-Sup Rennes et en particulier le réseau « Enseigner Autrement » du CEMPAMA CEMPAMA Centre d’études du milieu et de la pédagogie appliquée au milieu agricole (Fouesnant) . Toute l’équipe a suivi des formations pour diversifier ses pratiques pédagogiques, innover [4]etc...
Les résultats des trois premières années montrent une augmentation moyenne des résultats des élèves d’environ +2.5 points (avec des augmentations pouvant aller jusqu’à +5) ainsi que l’obtention du BEPA par la quasi-totalité des jeunes dont la majorité poursuit des études en intégrant l’année suivante la classe de première professionnelle, sans aucune difficulté. Cette année, la première promotion de prépa BEPA passe les épreuves terminales du baccalauréat professionnel en juin prochain.
Les résultats de la première promotion du Baccalauréat professionnel en 3 ans
À la suite des mauvais résultats de la première promotion du baccalauréat professionnel de juin 2012, une expertise a été réalisée par l’inspection pédagogique de l’enseignement agricole.
L’expertise pointe la diminution du taux de réussite de 6 %, avec un différentiel de 14 % entre les candidats « 3 ans » et les candidats « 4 ans ». Ce point est particulièrement inquiétant avec le triplement du nombre de candidats qui ont échoué en juin dernier (5081) alors que le nombre de candidats avait seulement doublé ! Rappelons que les autres années, le nombre de candidats en échec n’étaient « que » d’environ 1800 personnes.
De la même façon, l’expertise pointe un phénomène particulièrement inquiétant. C’est le taux de passage entre l’année de première pro et celle de terminale. Pour cette première promotion RVP, près de 3 % de jeunes en moins, issus de la filière « 3ans » sont passés en terminale professionnelle par rapport aux jeunes « 4 ans ». Cette déperdition semble concerner plus de 10 % des effectifs ! D’ailleurs, les éléments fournis lors de plusieurs CREA laissent apparaître une augmentation sensible des départs en cours d’année de première. Ce dernier point, complété par le taux d’échec de juin 2012 porte à près de 8 000 jeunes qui avaient intégré la seconde professionnelle (ancienne et nouvelle formule) et qui ont quitté la formation en cours.
Ce sont ces résultats qui ont amené le SNETAP-FSU a exigé un plan d’urgence :
Tout d’abord, à court terme, pour cette année scolaire :
- en recensant avec précision les candidats qui ont échoué en juin dernier, leur situation, ceux qui ont redoublé, ceux qui ont décroché. À partir de ce recensement, l’appareil de formation doit mettre en place des dispositifs d’aide spécifiques ;
- en remettant en place la dotation de 60 heures de mise à niveau dans les référentiels de BTSA BTSA Brevet de Technicien Supérieur Agricole , indispensable pour permettre à ces nouveaux étudiants de ne pas décrocher dès le premier trimestre ou semestre (cf. l’analyse des inspecteurs p25 de leur rapport) ;
- l’administration ne peut laisser sans initiative forte la future promotion de juin 2013 ;
Puis à moyen terme, pour l’année scolaire prochaine :
- pour les jeunes actuellement en seconde professionnelle repérés en difficulté par les équipes pédagogiques à la fin du premier ou second trimestre, la possibilité forte d’ouvrir des classes spécifiques doit être accordée. Vous devez donner un signal fort à vos services régionaux allant dans ce sens en garantissant aux établissements que l’ouverture d’une classe spécifique légitime ne pénalisera pas leur classe de première professionnelle. Cet engagement constituerait un signe fort de votre volonté de faire réussir le maximum de jeunes. Cet engagement doit s’accompagner dès maintenant d’une réflexion sur l’organisation de cette classe spécifique.
- Pour les jeunes en première professionnelle, l’ensemble des dispositifs d’individualisation doit être réinterrogé à l’aune des contre-performances avérées à l’examen, des nombreux retours du terrain et des préconisations des inspecteurs dans leur rapport d’avril 2011 (non prises en compte jusque là).
Ainsi, l’IEA rappelle dans son rapport que le « niveau national doit créer les conditions favorables pour la mise en ½uvre des réformes » ajoutant que la DGER assurant le pilotage doit à ce titre « fournir les grandes orientations et les éléments de cadrage nécessaires qui se déclinent ensuite au niveau des établissements dans le cadre de leur autonomie . » (p23). Elle souligne en effet « qu’en dehors des horaires inscrits à l’emploi du temps et donc affectés dès la rentrée scolaire, les autres dispositifs se sont mis en place de façon inégales », « avec peu de méthode et de motivation », sachant que « dans certains cas ces heures ont été utilisées pour combler des sous-services, ou encore créer des dédoublements pour l’enseignement disciplinaire » (p5), « certains enseignants se plaignant de s’être vus attribuer les heures d’accompagnement personnalisé « contraints et forcés » (p6).« L’assurance de disponibilité de moyens doit donc être au moins garantie d’une année sur l’autre, pour envisager la concertation et l’engagement des équipes » et l’Inspection d’ajouter « qu’en ce qui concerne les modalités de rémunération, la prise en compte sous forme d’heures supplémentaires n’apparaît pas toujours en effet, aux yeux de nombreux enseignants ou de directeurs d’établissements, comme une solution réellement satisfaisante et l’intégration de l’ensemble des horaires dans la fiche de service des enseignants est une demande forte. » (p13). A ce jour, les autres dispositifs n’ont pas fait leurs preuves comme le montrent plusieurs rapports d’inspection tant à l’éducation nationale que dans l’enseignement agricole [5] .
Enfin à long terme, pour l’année scolaire 2014-2015 :
- une remise à plat complète de la RVP avec la mise en place à côté du dispositif 3 ans réformé, la possibilité d’un parcours 4 ans avec le retour d’un véritable diplôme de niveau V reconnu par tous pour ses valeurs éducatives et professionnelles.
Pour toutes ces raisons et au regard des résultats obtenus par l’expérience de la classe prépa-BEPA de Tours-Fondettes, le SNETAP-FSU demande la réunion d’un groupe de travail pour d’une part dresser un bilan des dispositifs d’individualisation mis en place et tout particulièrement les « groupes spécifiques » si certains ont été mis en place [6] et d’autre part, pour compléter la note de service de 2010 et proposer une architecture cohérente de la classe spécifique afin de permettre aux équipes de véritablement exercer leur autonomie pédagogique. A partir de cette architecture et du contexte local de l’établissement, les équipes pédagogiques pourront alors proposer aux des jeunes en grande difficultés scolaires, repérés en classe de seconde professionnelle et avec l’accord des familles leur intégration dans ce dispositif original d’individualisation du parcours scolaire et de pédagogie différenciée.
Pour cela, le SNETAP-FSU fait les propositions suivantes, en complément du « groupe spécifique ».
Une architecture au service de la réussite des élèves
Cette architecture proposée par le SNETAP-FSU répond à trois objectifs :
- une pédagogie différenciée au sein de la classe à faible effectif
Cette classe, pour atteindre les objectifs fixés doit être à effectif inférieur ou égal à 16. Il est possible d’y associer plusieurs options de BEPA, entraînant un abondement du volume horaire des sciences et techniques professionnelles (STP).
Cette architecture est volontairement « allégée » à 26 heures hebdomadaires (+ des heures de travail personnel sur le temps scolaire) pour proposer à la classe une diversification des pratiques pédagogiques et des situations d’apprentissage (en classe, dans l’exploitation de l’établissement, en milieu professionnel...).
- une classe qui permet d’obtenir le BEPA et d’envisager une poursuite d’étude dans une filière de niveau IV
Les programmes disciplinaires reprennent une partie du programme de la classe de seconde professionnelle mais selon une pédagogie différente, évitant ainsi le sentiment du redoublement et permettant aux élèves de repasser les épreuves de CCF du BEPA, tout en suivant une partie des enseignements de la classe de première professionnelle d’une part pour leur permettre de passer l’intégralité des épreuves CCF du BEPA pendant cette année scolaire et d’autre part pour leur permettre d’intégrer sans difficulté l’année suivante, s’ils le souhaitent la classe de première professionnelle et aborder avec davantage de confiance les deux années du cycle terminal du baccalauréat professionnel.
- la conservation des spécificités de l’enseignement agricole
Cette classe spécifique met en valeur les spécificités de l’enseignement agricole avec la place accordée à l’éducation socio-culturelle, la pédagogie de projet, l’attribution d’un volume horaire à l’éducation physique et sportive ainsi qu’à l’éducation à la santé. De la même façon, l’importance accordée aux stages en milieu professionnel demeure dans le cursus de formation et d’évaluation. La progression pédagogique permet d’articuler les périodes en milieu scolaire et celles en milieu professionnel, autant de situations d’apprentissage cognitif riches et variées.
Discipline | Horaire élève hebdomadaire | Volume annuel sur 36 semaines |
---|---|---|
Français | 2 | 72 |
Mathématiques | 2 | 72 |
Langues Vivantes | 2 | 72 |
Histoire-Géographie | 1 | 36 |
Sciences économiques | 2 | 72 |
Physique-Chimie | 1 | 36 |
Informatique | 1 | 36 |
Sciences et techniques professionnelles | 10 | 360 (avec abondement nécessaire si plusieurs options) |
Biologie-Écologie | 2 | 72 |
EPS EPS Éducation Physique et Sportive | 2 | 72 |
ESC ESC Éducation socio culturelle | 1 | 36 |
TOTAL | 26 | 936 [7] (si une option) |
Ainsi pour le SNETAP-FSU, loin d’en demander la généralisation [8], cette architecture de la classe spécifique doit permettre de répondre aux attentes :
- des jeunes en difficulté scolaire dans le cadre de la RVP et de leurs familles afin de réduire l’échec à l’examen du baccalauréat professionnel et le décrochage scolaire constatés ;
- de l’administration et de l’inspection pédagogique de l’enseignement agricole avec la mise en place, conformément aux textes réglementaires, d’un véritable, efficace et efficient dispositif d’individualisation des parcours scolaires de jeunes en difficulté ; aux côtés de cette classe spécifique, le dispositif « groupe spécifique » est complété et trouve une cohérence renforcée au sein de tous les dispositifs inscrits dans la rénovation de la voie professionnelle ;
- des équipes pédagogiques et des établissements en s’appuyant d’une part sur l’autonomie pédagogique des équipes et la liberté de chaque enseignant pour concevoir dans le cadre des référentiels une progression originale qui permet la réussite d’un plus grand nombre, engendrant ainsi un mouvement d’innovation pédagogique conséquent.
Pour le secteur Pédagogie et Vie Scolaire
Fabrice CARDON