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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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Les mineur·es et jeunes majeur·es isolé·es : pour un accueil bienveillant et protecteur, pour un accompagnement éducatif efficient !

Tract du SNPESPJJ-FSU

vendredi 12 mars 2021

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Selon le recensement de la cellule nationale de la mission MNA de la PJJ, plus de 16000 jeunes isolé.e.s étranger.ère.s arrivent chaque année sur le territoire, en moyenne ces dernières années, bien souvent au péril de leur vie et dans l’espoir d’une vie meilleure. Tantôt invisibilisé.e.s, et/ou discriminé.e.s, tantôt pris.e.s pour cibles par la vindicte populaire, les grands médias ou les politiques, ils et elles sont encore trop souvent laissé.e.s à l’abandon.
À l’heure où une mission d’information de l’assemblée nationale est sur le point de rendre ses conclusions sur « les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés » et où le gouvernement vient de lancer une mission d’évaluation inter-inspection sur « l’évaluation de la prise en charge des jeunes se déclarant mineurs non accompagnés », le SNPES-PJJ/FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire tient à rappeler son positionnement sur l’accueil et l’accompagnement éducatif de ces jeunes parmi les plus vulnérables.

Ainsi, la très grande majorité des mineur.e.s et jeunes majeur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s présente sur le territoire national ne pose aucun problème de sécurité. Par contre la plupart d’entre elles et eux sont en situation d’insécurité pour tenter de survivre dans la rue ou dans des conditions extrêmement précaires, parfois sans réel accompagnement éducatif.

Le vrai problème, c’est l’absence d’une véritable politique d’accueil des migrant.e.s sur le territoire. La politique existante est davantage axée sur le contrôle et la lutte contre l’immigration que sur la protection des êtres humains et leur intégration. Il est également à déplorer l’absence de dispositifs sociaux pour les 18/25 ans d’une façon générale, des moyens largement insuffisants pour assurer la protection des enfants, et notamment des plus vulnérables, les enjeux qui en découlent autour de la présomption de minorité et la subjectivité de l’évaluation qui en est faite.
Dans le contexte actuel, ces mineur.e.s et jeunes majeur.e.s sont davantage perçu.e.s comme des envahisseur.se.s que comme des pupilles de l’État au prétexte infondé qu’ « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Il est rarement fait état de la richesse qu’ils et elles pourraient constituer pour notre société.

Nous savons que des majeur.e.s se font passer pour mineur.e.s. Rien n’étant réellement prévu pour les 18/25 ans, comment ne pas percevoir leur tentative comme un moyen plus ou moins désespéré d’obtenir de l’aide en mentant sur leur âge ? Est-ce si simple de se faire passer pour mineur.e lorsqu’on est majeur.e ? Le fait-on par volonté de nuire ou pour tenter de survivre ?
Quoi qu’il en soit, pour empêcher ces dérives et éviter les coûts de prise en charge afférents, l’évaluation de la minorité devient un enjeu fatidique, basé sur des critères souvent peu objectifs qui conduisent trop souvent à une importante marge d’erreurs en leur défaveur, laissant sur le trottoir grand nombre de mineur.e.s et de jeunes majeur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s dans des conditions de vie délétères, les rendant particulièrement vulnérables et les laissant en proie aux trafiquant.e.s en tous genres (stupéfiants, proxénétismes, réseau de receleur.se.s...).

L’évaluation, qui est normalement du ressort de l’État est déléguée à des associations, telles la Croix Rouge à Paris (le DEMIE), dont les salarié.e.s sont bien souvent en situation précaire et de formations diverses, pas forcément adaptées à cet exercice. Parfois, l’évaluation se fait au faciès et certain.e.s jeunes ne sont même pas autorisé.e.s à franchir le seuil de l’association. Pourtant, il est avéré que parfois, certains d’entre eux et elles, paraissent beaucoup plus âgé.e.s parce que le périple de l’exil les a obligé.e.s à se développer plus rapidement que les autres adolescent.e.s, en fonction de ce qu’ils et elles ont dû affronter durant leur parcours migratoire.

L’évaluation se fait également sur ce que pense l’évaluateur ou l’évaluatrice de l’authenticité du récit du ou de la jeune. Ainsi, il est parfois reproché à ces dernier.ère.s des erreurs de concordance dans les dates, le " trop " ou le "pas assez " de détails, le flou ou la trop grande maturité, ou encore l’idée qu’ils ou elles récitent un discours qui sonne faux.
Tous ces reproches sont des éléments trop subjectifs. Les erreurs, le flou peuvent provenir d’une difficulté à remettre les choses dans l’ordre quand on est un enfant et qu’on a traversé des événements difficiles. Certains de ces événements particulièrement traumatiques sont enfouis et les enfants sont incapables de les évoquer en temps réel. Parfois, des personnes plus ou moins bien intentionnées les conseillent sur ce qu’ils ou elles doivent dire et ne pas dire pour obtenir l’aide de l’ASE. Certains jeunes suivent ces conseils qui leur portent finalement préjudice.

Les tests osseux peuvent également être ordonnés par les juges pour contribuer à l’évaluation. Sur ce point, rappelons que les tests osseux ont été développés initialement pour soigner des enfants victimes d’un déficit d’hormone de croissance, non pour établir l’âge osseux d’une personne. Les marges d’erreur de ce type de test ne sont plus à démontrer. Quand il y a un doute la ou le jeune réfugié.e est souvent considéré.e majeur.e.

Le recours au fichier biométrique peut représenter un réel risque pour certains jeunes d’être identifié.e.s comme majeur.e.s et de faire l’objet à ce titre d’une Obligation de Quitter le Territoire Français, ne serait-ce parce que le département par lequel ils ou elles sont précédemment passé.e.s les a mal évalué.e.s ou parce qu’ils ou elles se sont fait passer pour majeur.e.s afin de prendre l’avion ou de passer par certains pays.
Cette procédure de fichiers dissuade certains d’entre eux et elles à se présenter à l’ASE, ces dernier.ère.s préfèrant se débrouiller seul.e.s ou dans des réseaux.

Ensuite, durant la phase d’évaluation plus ou moins longue, certain.e.s jeunes sont placé.e.s dans des hôtels miteux sans réel accompagnement éducatif, d’autres sont laissé.e.s à la rue.
À l’issue de l’évaluation, certain.e.s momentanément hébergé.e.s sont remis.e.s à la rue et d’autres sont placé.e.s dans des conditions précaires. Il leur faut parfois attendre longtemps pour bénéficier de soins, d’un accompagnement éducatif, psychologique, social, d’une scolarité, d’une formation, d’une place en foyer.

En matière d’insertion, leur intégration à l’Éducation Nationale se complexifie. L’apprentissage leur est souvent inaccessible (problème de l’absence de papiers, difficulté à trouver des patrons qui acceptent de payer la taxe supplémentaire...), les dispositifs de formation qui les acceptent ne peuvent que rarement les rémunérer alors que les jeunes domicilié.e.s le sont. Par ailleurs, ces dispositifs sont très rarement reconnus comme ouvrant des droits pour la régularisation de leur situation administrative.

Dans ce contexte, une infime minorité d’entre eux et elles s’inscrivent en voie ou en situation de délinquance, soit dans le cadre de délits de subsistance (c’est-à-dire, de la délinquance de rue et de circonstance pour pouvoir obtenir de quoi se nourrir, se loger, se laver...), soit dans le cadre d’infractions liées aux stupéfiants et/ou en lien avec des réseaux de traite des êtres humains.
Pour certain.e.s, le passage à l’acte est un moyen pour elles et eux d’obtenir une prise en charge éducative dont elles et ils n’ont pas réussi à bénéficier par d’autres biais.
Cette minorité de mineur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s fait l’objet d’une politique discriminatoire de certaines préfectures et/ou de certains parquets, notamment au sein des grosses juridictions qui priorisent le bon ordre et la sécurité publique à l’intérêt supérieur de l’enfant. Cela se traduit essentiellement par des procédures d’exception : recours quasi-systématique au déferrement, jugements à bref délai, privation de liberté (incarcération, placement en centre fermé…), incarcération dans des établissements éloignés de leur lieu de subsistance, d’attache.

Politique discriminatoire parce que pour des faits identiques, les mineur.e.s domicilié.e.s ont droit à d’autres égards (remise à parents, MJIE, mesure de réparation...). À titre d’exemple, en moyenne, 60 % des mineur.e.s déféré.e.s sur le territoire parisien sont des mineur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s. Ils et elles représentent plus de 40 % des mineur.e.s incarcéré.e.s au centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis.

Cette politique est inadaptée et inefficace. Le fait de pallier le manque de moyens, de places et de politiques d’accueil migratoire dignes de ce nom par des dispositions coercitives pour garantir la représentation du jeune à son jugement ou pour lui éviter de retourner à la rue sont inadmissibles. Le fait de punir plus vite et plus sévèrement un enfant, qui plus est isolé sur le territoire et devant apprendre à se débrouiller par ses propres moyens, en ne lui offrant comme seule perspective que l’hôtel miteux, la rue ou la prison ne fait que fabriquer de la violence institutionnelle et de la défiance quant aux adultes chargés d’assurer sa protection et son éducation.

Les procédures rapides ne sont pas dissuasives, au contraire elles peuvent générer de la réitération.
Les placements ou les mesures au pénal peuvent aboutir à une fin de prise en charge ASE lorsque celle-ci était existante, alors même que le maintien d’un double suivi pourrait s’avérer contenant et pertinent. Ce d’autant plus que parfois seule la prise en charge au civil permet d’obtenir des papiers d’identité à la majorité.

La prison est un milieu criminogène particulièrement nocif. Certains jeunes, de par leurs origines, leur indigence, leur méconnaissance de certains codes sociaux, leur difficulté à s’exprimer en français peuvent faire l’objet de brimades, d’humiliations, de discriminations tant de la part des surveillant.e.s de prison que des autres jeunes détenus. Les problèmes de santé et notamment d’addiction ne sont pas traités correctement. Certains jeunes souffrent de pathologies psychologiques importantes et ne sont pas suffisamment accompagné.e.s sur ce point.
La note interministérielle du 5 septembre 2018 à l’initiative de la DPJJ n’étant pas appliquée, certain.e.s jeunes n’ont pas de référent.e ad hoc, ni d’interprètes à disposition. Elles et ils font toujours l’objet de transfert d’un établissement pénitencier à l’autre de façon arbitraire pour les régulations liées au nombre de cellules, sans aucune considération des projets de sortie en cours, ni des liens d’attache extérieure.
Pour elles et eux, les projets de sortie et les dispositifs d’insertion sont beaucoup plus complexes à construire, en raison notamment des difficultés à trouver des places d’hébergement adaptées et des problèmes liés à l’absence de papiers d’identité.

Le passage à la majorité fait des ravages, avec bien souvent l’arrêt des prises en charge ASE et l’impasse dans laquelle ils et elles se trouvent pour obtenir des papiers. Il faut savoir à ce titre que seule la prise en charge à l’ASE compte pour la régularisation, les périodes de placements au pénal à la PJJ ne sont pas obligatoirement comptabilisées.

L’application du Code de Justice Pénale des Mimeur.e.s (CJPM) qui doit entrer en vigueur au 30 septembre prochain ne changera en rien cette politique, bien au contraire. Initialement les principes fondateurs de l’Ordonnance du 2 février 1945 peuvent être, selon nous, une réponse adaptée, à savoir la primauté de la réponse éducative sur la réponse coercitive. Cependant, d’une façon générale, les politiques répressives à l’égard de la jeunesse à l’oeuvre depuis une vingtaine d’années contribuent à rapprocher la justice des enfants de celle des adultes sans ne plus prêter vraiment attention aux spécificités inhérentes à l’enfance et à l’adolescence.
Dès les premiers larcins ou actes d’incivilité, du fait notamment de leur non domiciliation et des risques de non représentation au jugement, elles et ils font souvent l’objet d’une politique pénale discriminante. Le Parquet privilégie le maintien de l’ordre public à l’intérêt supérieur de l’enfant et a plus souvent recours aux procédures rapides, à commencer par le déferrement et le jugement à délai rapproché qui conduisent plus rapidement à des mesures coercitives.
En maintenant une procédure d’audience unique de jugement sur la culpabilité et la sanction devant le tribunal pour enfants dans des conditions très facilement atteintes, le projet de CJPM vient, selon nous, malheureusement inscrire ces politiques pénales discriminantes dans le marbre.

Ce qu’il faudrait selon nous :
Plus que n’importe quels autres enfants, ces mineur.e.s et jeunes majeur.e.s isolé.e.s étranger.ère.s devraient pouvoir bénéficier d’une protection au titre de l’enfance en danger. Elles et ils devraient pouvoir obtenir une prise en charge ASE qui leur garantisse un lieu d’hébergement accueillant et structurant, un accompagnement socio-éducatif efficient, un administrateur ad hoc, et en cas de faits délictueux, le prononcé de mesures éducatives, telles que le préconise l’Ordonnance du 2 février 1945.

Pour cela, il faut une réelle volonté de les accueillir, de participer à leur éducation et leur émancipation, de veiller à leur bien-être, leur insertion sociale et professionnelle. Pour cela, il faut des moyens conséquents et du temps, car comme pour les enfants domiciliés, la relation éducative se construit dans le temps. Ces jeunes ont parfois vécu des événements douloureux, un parcours traumatique qui les rendent particulièrement méfiants vis à vis de l’adulte et défiants vis à vis de l’autorité. Il faut pouvoir regagner leur confiance afin qu’elles et ils comprennent l’intérêt pour elles et eux d’accepter le cadre qui leur est donné de respecter, qu’elles et ils le vivent comme un cadre contenant et protecteur et non comme un cadre de contrôle et de coercition.

Il faut des professionnel.le.s formé.e.s aux différentes problématiques inhérentes à ce public spécifique sans pour autant spécialiser des services. En effet, la spécialisation des services ou des missions à laquelle nous sommes clairement opposé.e.s, favorise l’isolement au détriment de la mixité et de l’intégration et invisibilise leur situation. Permettre à ces adolescent.e.s de vivre dans notre univers commun est un facteur d’intégration et d’insertion déterminant et indispensable. Les personnel.le.s dédiés catalysent à eux et elles seul.e.s des histoires lourdes à gérer, de grandes pressions, ainsi qu’un sentiment d’impuissance face aux peu de solutions envisageables pour aider ces jeunes. Ceci n’empêche pas de construire des partenariats spécifiques en matière de santé, de droit et d’insertion et d’innover sur des modes de prises en charge adaptés à leur situation.

Il faut de véritables politiques d’accueil et d’intégration des migrant.e.s d’une façon générale, en luttant contre les préjugés qui agitent le spectre de l’invasion migratoire. Il faut pouvoir se donner les moyens de répondre aux engagements signés dans les conventions et traités européens et internationaux en protégeant encore davantage que d’autres des enfants et adolescent.e.s en grande vulnérabilité de par leur minorité et leur isolement sur le territoire. La société a le devoir de les protéger, de les éduquer, de les intégrer. Dans ce contexte, la Justice, dans laquelle la PJJ a pleinement un rôle à jouer. Et pour cela, il faut du temps et des moyens.

Il faut en finir avec les politiques discriminantes, les services spécialisés et les régimes dérogatoires (en matière d’hébergement, des délais d’accueil d’urgence plus restreints, des places limitées, un placement PJJ qui n’est pas pris en compte pour la régularisation de la situation administrative, en matière d’insertion qui n’ouvre pas droit à rémunération...).

Le SNPES-PJJ/FSU défend depuis toujours une justice éducative, protectrice, humaniste et émancipatrice et lutte activement contre l’enfermement des enfants et les politiques répressives qui s’attachent à réprimer l’acte plutôt que de s’occuper de l’être en devenir.