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Syndicat National de l’Enseignement Technique Agricole Public

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Nouveaux enjeux de la Formation Professionnelle

mercredi 2 avril 2008

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Isabelle SARGENI

Après les travaux de ces dernières années assurés dans le cadre d’un groupe restreint du secteur éducatif de la FSU FSU Fédération Syndicale Unitaire (VAE VAE Validation des acquis de l’expérience , FTLV, CECP, ECVET...), un groupe de travail permanent sur la formation professionnelle , les qualifications, l’emploi (FPQE FPQE Formation Professionnelle Qualification Emploi ) s’est mis en place dans la suite des réflexions et mandats du congrès de Marseille.

La FSU est de plus en plus amenée à intervenir sur ces questions au niveau national comme au niveau régional et départemental .

1) Un contexte préoccupant

a) emploi/ évolution travail...

  • Evolutions droit du travail. Après CNE, CPE CPE Conseiller Principal d’Éducation ... tentatives de dérégulation sur le contrat de travail
  • Projet de loi sur la « modernisation du marché du travail » adopté par le conseil des ministres du 26 mars 2008 le qui transpose l’accord interprofessionnel (ANI du 11-01-2008) que la CGT CGT Confédération générale du travail n’avait pas signé et que la FSU a contesté. Le premier ministre y voit « une avancée historique dans la flexisécurité à la française. »
    Le projet de loi reprend les dispositifs de l’ANI les plus attendus par le MEDEF : allongement de période d’essai, création d’un nouveau CDD CDD Contrat à durée déterminée « à objet défini » pour les ingénieurs et les cadres, création d’une nouvelle modalité de rupture du contrat de travail, passeport-formation...
  • Formations, qualifications, insertion, emploi… : évolutions marquées par une précarité grandissante, l’écrasement des carrières, le fort chômage des seniors et des jeunes (+renforcé par inégalités sociales et territoriales).

Le passage école-emploi, ou formation-travail (alternant périodes de formation, de chômages, de stages, de petits boulots…) est très distendu. La stabilisation dans un emploi nécessite maintenant plusieurs années.
La « Sécurisation des Parcours professionnels » est au c½ur des négociations en cours entre partenaires sociaux sur le contrat de travail.

L’élévation des qualifications est une nécessité. S’il est indispensable de garantir l’accès au niveau V pour tous, celui-ci se révèle déjà insuffisant pour la plupart des métiers et le niveau Bac + 2 et au-delà est celui qu’il faut viser pour la grande masse des jeunes en formation. Le HCEEE cible 50% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur (cf. note DEP de Janvier 2008 sur « Sorties sans qualification")

Les diplômes ont un effet protecteur par rapport au chômage (CEREQ) et c’est la voie scolaire qui offre le plus de possibilités de les acquérir aux niveaux V et IV notamment.

La meilleure garantie de l’emploi repose sur un niveau de formation initiale élevé combiné avec le maintien des avantages acquis via le contrat de travail, quelle que soit la situation du salarié (en activité, en formation, en recherche d’emploi).

Lettre au Directeur Général
Information du Directeur Général et copie au DRAAF/SRFD

b) De graves menaces sur le Service public d’Education

  • Milliers de suppressions d’emploi, RGPP RGPP Révision générale des politiques publiques  : profondes transformations du système éducatif dans ses missions et ses modes de fonctionnement. Régression et sélection
  • Menaces aggravées sur l’enseignement professionnel (généralisation des Bac pro 3 ans, suppression de BEP BEP Brevet d’études professionnelles , lycées des métiers)
  • Rôle des régions, apprentissage :
    Conséquence, entre autres, des lois sur la décentralisation, l’implication des Conseils Régionaux dans les formations professionnelles s’est accentuée ces dernières années, tant au niveau des financements que de politiques de plus en plus territorialisées (Contrats d’objectifs et de moyens, Plans Régionaux de Développement des Formations), accentuant la concurrence entre formations initiales publiques sous statut scolaire et formation sous statut d’apprentis, privées pour l’essentiel. Certaines collectivités territoriales financent parfois massivement des centres de formations ou des écoles d’enseignement supérieur privées.
    Si le gouvernement arrivait à atteindre l’objectif annoncé des 500 000 apprentis en 2009 (loi Borloo) mettant ainsi l’apprentissage quasiment au niveau de l’enseignement professionnel public en terme d’effectifs pour les niveaux CAP CAP Commission administrative paritaire

    C’est une instance de représentation et de dialogue de la fonction publique française.

    Les CAP sont chargées d’examiner des situations individuelles, mais elles soumettent aussi parfois des motions à caractère collectif.
    , BEP et Bac Pro, le risque de basculement vers un système unique de formation professionnelle, plus proche du modèle européen libéral, serait à craindre. Il est à craindre également que l’on renforce un système inégalitaire et dual : relégation dans l’enseignement professionnel pour les uns, apprentissage ultra sélectif pour les autres. Les entreprises de plus de 250 salariés sont déjà tenues par la loi de porter à 2 % en 2007 et 3% en 2008 le nombre d’apprentis dans leurs effectifs. Celles qui ne le feront pas paieront une surtaxe. Il s’agit aussi de doubler l’ effectif dans les établissements du supérieur (hors BTS BTS Brevet de technicien supérieur )
I.Sargeni ; JM Le Boiteux ; JP Dufour

2) Formation Professionnelle : Réforme annoncée, le calendrier s’accélère

La formation professionnelle est un enjeu important, à la fois en terme de financement et de pouvoir. Les partenaires sociaux, les branches professionnelles et aujourd’hui les régions se partagent l’essentiel des responsabilités. Mais la tentation est grande pour les politiques, et notamment au niveau national d’intervenir et de tenter de définir les axes prioritaires.

La loi (fondatrice) de 71 (issue des accords entre partenaires sociaux) a inscrit la FPC dans le marché, au détriment de l’idéal de la promotion sociale. Depuis cette date se sont surajoutés dispositifs sur dispositifs, modalités sur modalités, instances sur instances, conduisant à l’extrême complexité du système actuel. La loi de 71 fait obligation aux entreprises de financer la FC en prportion de leur masse salariale.
La réforme de 2004 a instauré le DIF (20h/an hors temp sde travail).

Le système de formation professionnelle met en ½uvre des sommes considérables (24 Mds ¤, y compris l’apprentissage).

Après la publication en juillet du rapport du sénateur UMP JC Carle, le calendrier de la réforme de la Formation Professionnelle s’accélère. Le gouvernement l’annonce pour septembre. Le 22 janvier, le ministère de l’économie et de l’emploi en avait présenté les axes possibles : suppression de l’obligation de consacrer 0,9% de la masse salariale à la formation, création d’ un « compte épargne formation » et regroupement des organismes collecteurs (OPCA), dans un système s’articulant au niveau régional.

Dès avril, une conférence quadripartite réunira Etat, syndicats, patronat et Régions, conférence préparée par un groupe de travail piloté par P. Ferracci, au sein du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE). La FSU sera entendue prochainement dans les prochaines semaines par P. Ferracci dans le cadre du groupe de travail multipartite.

Pourquoi une telle précipitation ?

Il y aurait pour le gouvernement , en écho aux inquiétudes patronales, urgence à faire face à une perte de compétitivité des entreprises (par insuffisance de qualification de la main-d’½uvre dans certaines branches) et à l’échéance prochaine du papy-boom porteuse de tensions dans certains secteurs.

Dans ce qui est annoncé comme une modification profonde du système de formation professionnelle continue, s’articulent l’approche budgétaire (budget constant donc transfert de nouvelles compétences aux régions), un nouveau périmètre de négociations (administration, élus, partenaires sociaux), des modifications structurelles (fusion UNEDIC-ASSEDIC), la refonte du code du travail.

3) Nouveaux enjeux :

Deux tendances traversent en profondeur le – vaste – secteur de la formation, initiale comme continue :

  • une remise en cause potentielle du découpage historique entre formation initiale et formation continue (ou entre « jeunes » et « adultes en reprise d’études ») dans une problématique de Formation Tout au Long de la Vie. C’est vers un continuum de l’apprentissage « du berceau à la tombe » qu’on se dirige, avec pour conséquence immédiate une propension au développement de la modularisation (très nette dans le supérieur, mais pas seulement).
  • une forte demande sociale de « professionnalisation » en réponse à l’état du marché du travail. C’est une demande massive de la part des couches les moins favorisées de formations professionnelles courtes, à visée d’insertion rapide, au détriment des cursus universitaires classiques.

Financement, place des régions, des entreprises…
Le taux de participation des entreprises baisse. En 30 ans , la durée moyenne de formation est passée de 60h à 30h. Le taux d’accès des salariés a progressé. Plus de formés sur des formations plus courtes donc moins diplômantes (adaptabilité au cadre de travail)

Financement :

  1. Entreprises : 8 milliards
  2. Etat 4,5 milliards d’euros
  3. Régions : 4 milliards

4) Propositions FSU (Contribution au COE sur la réforme de la FP -mars 2008)

Pour rendre la formation professionnelle (qui est un bien public) accessible à ceux qui en ont le plus besoin

  1. Redynamiser la promotion sociale ( ) et l’Education Permanente
  2. Remettre l’Etat et le service public d’éducation et de formation au centre

Complexité, corporatisme et cloisonnement se sont construits sur le vide laissé par le désengagement progressif de l’Etat. Rien de solide ne se fera si, au terme d’un processus de concertation la plus large, son rôle de pilotage n’est pas réaffirmé et les missions nouvelles qui lui incombent clairement définies. Dans le cas contraire, on peut être certain qu’aux anciennes règles s’en surajouteront de nouvelles et que la simplification souhaitée se transformera rapidement en complexité redoublée.

Le système actuel, au demeurant critiqué de toutes parts, a fait la preuve de son « inefficience » (rapport DGEFP). Le fait est que, malgré les moyens importants mobilisés (1,5 % du PIB), il est incapable de répondre pleinement aux besoins de ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi, de ceux qui, insuffisamment diplômés, craignent pour leur emploi et de ceux qui souhaitent pouvoir évoluer dans leur emploi, sans compter ceux qui aspirent à enrichir leur culture personnelle.

La formation va aux plus formés.

Le marché et ses plus de 45000 organismes de formation, le système actuel de financement, ont largement failli à la mission qu’ils s’étaient attribués. Or, si les hypothèses actuelles de réforme vont toutes dans le sens de la recentralisation [« Segmentation trop forte » (C. Lagarde), « Centraliser la collecte CIF » (IGAS IGAS Inspection Générale des Affaires Sociales ), « Regroupements ambitieux d’OPCA » (H. Novelli)], ces propositions s’arrêtent au milieu du gué, au mieux par manque de courage politique, au pire par refus de toucher à l’édifice. La FSU affirme au contraire qu’il est urgent de remettre l’Etat au centre. Seule une politique volontariste de la puissance publique, appuyée sur les compétences de tous les formateurs, dans et y compris hors du service public, est à même de répondre à ces besoins de société.

C’est pourquoi la FSU préconise de construire un système de formation articulant les trois niveaux d’acteurs autour du rôle pilote de l’Etat, ce qui n’exclut ni la nécessaire poursuite de la négociation collective, si la prise en compte du rôle croissant des Régions dans le cadre de la loi de 2004. (Un système dans lequel par ailleurs le CNFPTLV serait légitime pour devenir l’instance de concertation nationale).

Un Etat :

  • Qui finance l’offre de formation professionnelle par l’impôt. Ce qui suppose, non pas la suppression de la contribution 0,9 % plan de formation, mais son transfert à l’euro près dans le budget de l’Etat. Ceci permettrait tout à la fois de réduire les frais de gestion ( ) et d’en finir avec l’extraordinaire complexité de ces modes de financement, sans même parler de leur « opacité » (Cour des comptes. Rapport Carle). Ce transfert permettrait (induirait) de même un retour de la formation professionnelle initiale actuellement sous contrat de travail à une formation sous statut scolaire.
  • Qui fixe, en concertation avec les autres acteurs, en partie sur le modèle des CPPN, les programmes nationaux des formations diplômantes (hors apprentissage qui relève du seul MEN) les plus susceptibles de favoriser l’accès et le retour à l’emploi pérenne.
  • Qui rémunère les formateurs de l’Education nationale en y adjoignant, pour ceux qui le souhaiteraient, les formateurs issus du secteur privé, recrutés sur concours et/ou VAE et qui viendraient ainsi utilement compléter le corps des personnels statutaires, en nombre insuffisant, de l’Education nationale.
  • Qui donne réellement aux organismes publics de formation professionnelle continue et à leurs personnels les moyens nécessaires à leur fonctionnement et fasse de l’enseignement en formation continue une activité reconnue au même titre que la formation initiale et la recherche.
  • Qui se dote pour mener à bien la politique de formation professionnelle qu’il impulse d’un secrétariat d’Etat placé sous l’autorité du premier ministre

Des partenaires sociaux

  • Qui, chacun dans leur domaine de compétence et en complémentarité, définissent leurs besoins en formation pour les salariés et leurs besoins en qualification des emplois pour les entreprises du secteur privé, comme du secteur social (à tort largement exclu du dialogue social et de la négociation collective).
  • Qui négocient entre eux le plan de formation entreprise.
  • Qui contribuent à l’amélioration des qualifications des personnes en activité et en recherche d’emploi par la transmission auprès des personnes en formation de leur propre expérience professionnelle, notamment par le tutorat et les professeurs associés.
  • Qui assurent l’accueil, dans des conditions de rémunération satisfaisantes, des stagiaires en période de formation en alternance.

Des Régions

  • Qui favorisent la déclinaison sur leur territoire des lignes directrices nationales de la formation professionnelle en relation avec l’ensemble des acteurs déconcentrés et régionaux
  • Qui contribuent à l’harmonisation de l’offre de formation diplômante nationale avec leur propre programme de développement économique et d’aménagement du territoire, notamment dans sa dimension « emploi », y compris dans une démarche prospective.
  • Qui, pour mener à bien ces missions, recherchent activement l’accord de tous les partenaires concernés en vue d’élaborer un programme régional de développement de la formation qui engagerait tous les acteurs
  • Et qui contribuent, selon leur politique propre, à la promotion sociale et à l’éducation permanente de leurs concitoyens

Dans un tel système, la question de plus en plus incontournable de la Sécurisation des Parcours Professionnels prend un tour nouveau. Le système de formation professionnelle que préconise la FSU, piloté par l’Etat sur fonds publics et allié à un droit à la sécurité sociale professionnelle assurant maintien du salaire et des avantages acquis au salarié privé d’emploi, apporte une réponse cohérente à la question des transitions professionnelles. On ne peut en dire autant des préconisations émergeant actuellement des débats. Qu’il s’agisse de la transposition dans le droit positif français du concept de « parcours » professionnel ou de l’émergence du « professionnel de l’accompagnement », dans un cas comme dans l’autre, on assiste à une complexification du champ déjà suffisamment encombré de la formation professionnelle.