Lors de votre rencontre avec une délégation du SNETAP-FSU
FSU
Fédération Syndicale Unitaire
, première organisation représentative des personnels de l’enseignement agricole public, le 23 mars 2014, un temps substantiel avait été consacré à d’une part la rénovation en cours du CAPA
CAPA
Certificat d’Aptitude Professionnelle Agricole
Commission Administrative Paritaire Académique
, diplôme de niveau V et d’autre part la question de l’évaluation, ses différentes modalités notamment celles du Contrôle en Cours de Formation (CCF
CCF
Contrôle Certificatif en cours de Formation
). Le SNETAP-FSU a fait part de ses positions vis à vis de ces thématiques, de manière succincte cependant.
C’est pourquoi, nous vous adressons ce jour un courrier plus circonstancié, plus exhaustif présentant les positions et les propositions de notre organisation concernant le devenir du CAPA et l’évaluation des jeunes dans notre système éducatif agricole que nous traiterons à travers nos propositions sur le CAPA .
Cinq points majeurs de la rénovation du CAPA attirent notre attention et nous amèneraient, s’ils demeuraient en l’état à nous opposer à cette rénovation : En voici la liste accompagnée en annexe d’une explication circonstanciée et détaillée :
Point 1 : inscrire véritablement le CAPA dans la rénovation de la voie professionnelle (RVP RVP Rénovation de la voie professionnelle ), un diplôme d’insertion professionnelle mais aussi permettant la poursuite d’études
Point 2 : des périodes de stage en milieu professionnel expérimentales qui doivent être réduites et bien encadrées
Point 3 : un pseudo dispositif d’individualisation fondé sur un volume horaire non affecté
Point 4 : une pluridisciplinarité mise au service de l’agro-écologie
Point 5 : ne pas rater l’occasion de rénovation pour engager une réflexion dépassionnée et objective de l’évaluation et de toutes les modalités possibles
Ces cinq points constituaient pour le SNETAP-FSU des points de blocage substantiels. Nous sommes prêts, pour éviter tout blocage, à trouver collectivement des solutions équilibrées, acceptables. Dans le cas contraire, le SNETAP-FSU, avec d’autres, dès la rentrée, se mobilisera pour que cette rénovation mal engagée actuellement ne se fasse pas contre les usagers et les personnels de l’enseignement agricole.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sincères salutations.
Jean Marie LE BOITEUX
Annexe
Point 1 : inscrire véritablement le CAPA dans la rénovation de la voie professionnelle (RVP), un diplôme d’insertion professionnelle mais aussi permettant la poursuite d’études
Le SNETAP-FSU a pleinement conscience que ce diplôme de niveau V a une vocation d’insertion professionnelle. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il avait été créé. Pour autant, sans oublier cette finalité, le SNETAP-FSU souhaite vivement que la poursuite d’études vers un diplôme de niveau IV, comme le baccalauréat professionnel constitue clairement, explicitement un objectif de la rénovation engagée maintenant depuis 2013. Or, à ce jour, vos services, la DGER DGER Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche n’affichent que cette finalité professionnelle comme motivation. Nous le regrettons. Plusieurs éléments justifient notre position :
- d’une part, selon les enquêtes présentées par la DGER, déjà plus d’un tiers des lauréats du CAPA s’engagent dans une poursuite d’études. Et la variabilité est forte selon les options avec plus de 50 % par exemple dans la filière travaux paysagers. Le SNETAP-FSU est fortement attaché à ce principe de l’élévation du niveau de qualification des jeunes et des salariés ;
- d’autre part, une étude récente du CEREQ [1] précise que ce sont les diplômés de niveau V qui sont les plus frappés par le chômage après les non-diplômés. Pour les lauréats de CAP
CAP
Commission administrative paritaire
C’est une instance de représentation et de dialogue de la fonction publique française.
Les CAP sont chargées d’examiner des situations individuelles, mais elles soumettent aussi parfois des motions à caractère collectif. - incluant le CAP agricole - de 2010, le chômage est au niveau de celui des non-diplômés six ans plus tôt. 32 % des diplômés de niveau V de la session 2010 étaient en 2013 au chômage alors que ce taux est ramené à 20 % pour les titulaires d’un diplôme de niveau IV.
Si pour le SNETAP-FSU, ces chiffres justifient à eux seuls la nécessité d’une élévation de qualification, se posent alors plusieurs préalables à la réussite des jeunes dans notre système de formation :
- l’intégralité des CAPA rénovés doivent pouvoir être ouverts en formation initiale tout comme en formation continue, dans toutes les spécialités ; la rénovation doit être l’occasion de cette clarification ;
- l’intégralité des jeunes inscrits en CAPA doivent pouvoir s’inscrire dans un parcours menant vers un diplôme de niveau IV et donc un baccalauréat professionnel en formation initiale au minimum ; aucun CAPA ne doit être « orphelin » d’un diplôme de niveau IV ;
- de la même façon, un jeune qui s’inscrit en CAPA dans un établissement public doit pouvoir suivre un parcours de formation de niveau IV. Les cartes scolaires des établissements publics doivent être aménagées en ce sens ;
- la question des passerelles entre le CAPA et le Baccalauréat doit être ré-ouverte. Un positionnement tel que prévu dans le code rural doit être possible pour intégrer soit la première année soit la seconde année du baccalauréat professionnel ;
- enfin, le contenu notionnel des référentiels de formation des CAPA doit être en adéquation avec ceux contenus dans les référentiels du baccalauréat. Un lauréat de CAPA doit pouvoir grâce à ses acquis et après un positionnement intégrer le plus aisément possible un cycle supérieur, sans être handicapé par une trop grande fracture notionnelle entre les deux diplômes alors qu’à ce jour, les écarts sont beaucoup trop importants, notamment dans les disciplines et modules généraux.
Point 2 : des périodes de stage en milieu professionnel expérimentales qui doivent être réduites et bien encadrées
Le second point concerne les 6 semaines supplémentaires possibles de stage au-delà des 12 semaines de stage inscrites dans le référentiel dont 11 semaines prises sur la scolarité. Le SNETAP-FSU estime que cette alternance entre le milieu scolaire et le milieu professionnel est une forme d’apprentissage à part entière. L’âge moyen des jeunes inscrits en CAPA doit d’ailleurs être pris en compte pour ne pas multiplier les semaines de stage et les dérogations d’utilisation de machines dangereuses. En revanche, notre organisation s’interroge sur la possibilité donnée aux établissements de mettre en place ou non 6 semaines supplémentaires de stage sur la scolarité, de manière expérimentale. Plusieurs éléments nous laissent perplexes :
- le SNETAP-FSU n’est pas opposé à la démarche expérimentale, il rappelle qu’elle est cadrée par le code rural et qu’elle ne saurait être une forme déguisée de généralisation ou ses prémices. Elle repose sur un protocole d’évaluation, une consultation des instances etc.... alors que la DGER a trop tendance à expérimenter pour déroger et généraliser ! Le SNETAP-FSU sera donc particulièrement vigilant sur ces démarches expérimentales de stage individuel supplémentaire ;
- le nombre de semaines est en revanche beaucoup trop élevé. 6 semaines prises sur la scolarité qui représentent plus de 15 % du temps pris sur le temps de présence en milieu scolaire ne peuvent aboutir qu’à un décrochage du jeune par rapport à la progression pédagogique alors que l’objectif demeure bien l’obtention du diplôme et comme nous l’avons dit précédemment une poursuite d’études ! Ces 6 semaines ne peuvent être non plus un moyen d’écarter vers le monde professionnel les jeunes les plus en difficulté ou les plus perturbateurs. C’est pourquoi, pour le SNETAP-FSU, - le nombre de semaines de stage ne peut être supérieur à 3, sous peine d’hypothéquer toute possibilité de poursuite d’études. De la même façon, ces stages ne peuvent qu’être individuels, en réponse à un parcours de formation, d’orientation individualisé, comme la possibilité a pu exister en classe de troisième de l’enseignement agricole.
- Enfin, telles que présentées dans le référentiels, ces semaines supplémentaires n’aboutiraient qu’à écarter certains jeunes et les faire sortir dés la fin du CAPA de la formation initiale avec un hypothétique retour ultérieur en formation continue ; ce qui n’est pas acceptable car toutes les études montrent que la formation continue, la reprise d’études bénéficient très majoritairement aux diplômés de niveau IV et plus et très peu aux diplômés de niveau V.
Point 3 : un pseudo dispositif d’individualisation fondé sur un volume horaire non affecté
La rénovation du CAPA présentée par vos services contient une mesure que le SNETAP-FSU refusera avec force, à savoir la non affectation disciplinaire de 5 heures sur un volume hebdomadaire de 28 heures. Présenté comme une nouvelle modalité d’individualisation, ce non fléchage ne vise en réalité qu’à réduire les ETP
ETP
Équivalent Temps Plein
d’enseignants – définis par groupe de disciplines -. En prélevant respectivement 2 heures sur les disciplines générales et 3 heures sur les disciplines professionnelles, cela permet de réduire d’autant le volume horaire des chaires et donc les ETP. C’est inacceptable ! Pour ne pas parler de la forme consistant à renvoyer aux équipes pédagogiques le partage de ces heures non affectées mais ôtées de services disciplinaires !
Le SNETAP-FSU n’est pas opposé par principe à l’individualisation et à la différenciation pédagogique mais il considère que seul le dispositif des enseignements à effectif réduit mis en place dans le cadre de la réforme du lycée pour la filière générale est une mesure véritable de différenciation pédagogique. Ce dispositif [2] visant à abonder le volume horaire enseignant au-delà du volume horaire élève est le seul capable de permettre cette approche différenciée et cela dans le cadre de l’autonomie des équipes pédagogiques et non de l’établissement – cette dernière autonomie se confondant trop souvent avec celle de l’administration. Ainsi, pour le CAPA, une véritable rénovation ambitieuse, sous un gouvernement qui prétend retenir la jeunesse comme priorité, ne peut se faire à moyen constant voire moindre. Cela implique un véritable effort pour la mise en place effective de la pédagogie différenciée dans le groupe « classe » ou des groupes réduits donc avec un abondement d’un volume horaire enseignant pour la mise en place d’un enseignement à effectif réduit d’au moins 4 heures permettant véritablement la mise en place de groupe de besoins dans les séquences collectives d’apprentissage.
Point 4 : une pluridisciplinarité mise au service de l’agro-écologie
Le SNETAP-FSU s’étonne et dénonce le projet de référentiel qui précise que pour la pluridisciplinarité, fer de lance depuis 1984 de l’innovation pédagogique de l’enseignement agricole ne se voit accordée que quelques lignes dans le référentiel et juste pour indiquer qu’aucun thème n’est défini ! Cette absence de toute consigne est inacceptable dans un référentiel pour un volume hebdomadaire de 3 heures sur 28 heures.
Au-delà de la question du renvoi de toute décision au niveau de l’établissement, au nom du principe de l’autonomie – qui fait fi des réalités dans les établissements – compléments de service, arrangements etc...-, le SNETAP-FSU s’étonne qu’à aucun moment l’agro-écologie, pourtant priorité de votre ministère n’apparaisse pas dans la rénovation du CAPA. Le SNETAP-FSU propose que l’agro-écologie soit inscrit clairement dans le référentiel que la pluridisciplinarité en soit le support, particulièrement dans les modules M2 et M3 avec un travail organisé entre les disciplines générales et professionnelles. De simples conseils ne seraient pas à la hauteur de l’enjeu agro-écologique. Une telle décision ne serait pas qu’un simple affichage.
Point 5 : ne pas rater l’occasion de rénovation pour engager une réflexion dépassionnée et objective de l’évaluation et de toutes les modalités possibles
Le SNETAP-FSU conteste la volonté de la DGER de passer en force à 80 % la part des CCF dans le diplôme du CAPA alors qu’actuellement cette part est de 60 % et cela malgré l’opposition des deux premières organisations représentatives des personnels de l’enseignement agricole public et privé, SNETAP-FSU et FEP-CFDT
CFDT
Confédération française et démocratique du travail
.
Nous nous sommes exprimés sur cette question lors de l’audience du 23 mai dernier et vous avez conclu que les arbitrages ministériels ne viendraient qu’en fin du processus de discussion de cette rénovation. Nous prenons acte de cette décision mais nous souhaitons la voir s’accompagner d’un lancement rapide, dés le premier trimestre de l’année scolaire prochaine, de la concertation annoncée dans le cadre du projet stratégique de l’enseignement agricole. Nous ne comprendrions pas que d’un côté, la DGER passe en force pour le CAPA et de l’autre qu’une réflexion globale sur l’évaluation soit lancée. Si tel était le cas, cela signifierait que ce débat n’est qu’une parodie ! Pour le SNETAP-FSU, le calendrier de la rénovation du CAPA qui doit se mettre en place en septembre 2015 est encore compatible avec un véritable chantier dépassionné et objectif sur la question de l’évaluation.
Le SNETAP-FSU est prêt à participer de manière constructive à ce débat. Réuni en congrès national en avril dernier, il a d’ailleurs adopté un mandat sur cette question :
« Lors de son précédent congrès, le Snetap-FSU avait dressé un bilan accablant du CCF3, tant dans son principe que dans les conditions de sa mise en place dans les établissements. Le secteur Pédagogie et Vie scolaire s’est opposé systématiquement à toute nouvelle extension, exigeant inlassablement une véritable évaluation objective de ce dispositif d’évaluation qu’est le CCF passant notamment par une expertise des résultats de CCF, des examens terminaux, des écarts constatés, travail entamé dans le second rapport de l’inspection pédagogique sur les résultats de la session de juin 2013 pour les baccalauréats professionnels. Si à l’EN
EN
Éducation nationale
, la mobilisation des personnels a permis de diminuer la part du CCF, la DGER ainsi que les autres composantes de l’enseignement agricole continuent à vouloir étendre le CCF pour l’obtention des diplômes comme dans la rénovation en cours du CAPA.
C’est pourquoi, le Congrès réaffirme plus que jamais son attachement aux diplômes nationaux et son refus du CCF. Il considère le CCF comme un outil de démantèlement et de remise en cause de la valeur nationale des diplômes, de désorganisation et de surcharge du travail des élèves et des enseignants, tout particulièrement pour les épreuves orales des CCF dans les disciplines à faible volume horaire hebdomadaire et pour celles de la certification BEPA BEPA Brevet d’études professionnelles agricoles .
Le Congrès considère aussi qu’il existe d’autres modalités pertinentes d’évaluation.
Le Congrès prend acte de l’introduction de la progressivité possible de l’acquisition de diplômes dans la loi d’avenir de l’agriculture. Si le Snetap-FSU s’est déclaré favorable dès le début à cette idée, permettant l’élévation du niveau de qualification des futurs salariés, il s’est battu immédiatement contre la volonté clairement exprimée de la DGER d’introduire un « sous-diplôme » par l’intermédiaire d’une attestation de compétences, permettant à des recalés à l’examen d’aller chercher du travail ! Grâce aux élus du comité national de défense et de développement de l’enseignement agricole public, le Snetap-FSU a fait introduire un amendement dans le projet de loi permettant de canaliser cette acquisition progressive et d’éviter toute dérive. Le Snetap-FSU sera particulièrement vigilant lors de la rédaction des décrets d’application.
De plus, la loi de la refondation de l’école dite « loi Peillon » s’est donnée comme objectif ambitieux l’acquisition par toute une classe d’âge d’un diplôme de niveau V, correspondant aux CAPA et BEPA pour l’enseignement agricole, premier palier de cette élévation de qualification, à laquelle souscrit le Snetap-FSU ; la qualification étant une des conditions de la rémunération, garantie dans les conventions collectives.
Aussi, dans ce double contexte (« loi Peillon », « loi Le Foll ») et fort de ses positions contre le CCF, le Congrès national du Snetap-FSU réuni à Arras mandate le secteur Pédagogie et Vie Scolaire pour mettre en place rapidement un groupe de travail en prévision de la réflexion qui sera initiée à l’occasion du projet stratégique et de la future loi d’avenir de l’agriculture. Ce groupe de travail pourra réfléchir à d’autres modalités d’évaluation susceptibles d’offrir une garantie plus forte que des épreuves ponctuelles de CCF pour l’obtention d’un diplôme national. Associées à des épreuves terminales ponctuelles et/ou anticipées correctement organisées, gage d’un « rite républicain » pour les élèves et apprentis, elles pourront rendre également aux enseignants un pouvoir d’agir en replaçant l’évaluation au c½ur de leurs pratiques quotidiennes, de leur autonomie professionnelle et de leur liberté pédagogique.
La modalité d’évaluation par unités capitalisables doit être interrogée. En effet, si le diplôme délivré par UC UC Unités de Contrôle Capitalisables est bien national, d’importantes différences de fonctionnement voire des dysfonctionnements existent (présidence de jury d’examen assurée par des contractuels, seuils de réussite différents selon les régions...). Le Snetap-FSU dénonce la survalorisation de l’évaluation des compétences professionnelles dans l’évaluation pour des jeunes en formation initiale. »
C’est fort de ce mandat que nous avons déjà engagé une réflexion sur cette thématique de l’évaluation et que nous sommes prêts à vous rencontrer sur ce sujet afin de faire des propositions constructives sortant des postures passionnées en général sur l’évaluation et sur celle du CAPA en particulier, compte tenu de ses spécificités et du calendrier.
Ce débat sur l’évaluation que nous demandons depuis plusieurs années va se lancer à l’Éducation Nationale à la rentrée prochaine. Il serait incompréhensible que l’enseignement agricole s’en exonère et continue dans le même temps à imposer contre l’avis d’une majorité d’enseignants le CCF. Il est d’autant plus étonnant de voir la méthode utilisée par la DGER pour forcer le passage avec l’apparition, lors d’une simple CNS CNS Commission Nationale Spécialisée Production – non une CNS Études Générales – d’une nouvelle modalité d’évaluation dans le CAPA avec le contrôle continu pour une seule discipline, l’Histoire-Géographie. Si cette modalité peut se discuter compte tenu du faible volume horaire d’enseignement de cette discipline, pourquoi pas pour les autres comme la Langue Vivante qui n’a pas plus d’heure...et pour laquelle l’évaluation orale en CCF consommera un temps conséquent par rapport à l’enseignement stricto-sensu. Le SNETAP-FSU demande cette mise à plat de l’évaluation, ce temps d’échanges et ensuite seulement viendra le temps des décisions pour la rénovation du CAPA qui engagera notre institution pour plusieurs années.