« Au sein de l’enseignement technique agricole, l’enseignement public paie le plus lourd tribut à une politique de logique comptable dictée par la révision générale des politiques publiques (RGPP RGPP Révision générale des politiques publiques ) : 60 % des suppressions d’emplois concernent l’enseignement public, alors qu’il ne représente que 37 % des effectifs scolarisés dans l’enseignement technique agricole public et privé.
Lors d’une table ronde organisée par vos rapporteurs spéciaux le 11 octobre 2011, Serge Pagnier, secrétaire régional Champagne-Ardenne et secrétaire général adjoint à la politique scolaire et à la laïcité du Syndicat national de l’enseignement technique agricole public - Fédération syndicale unitaire (SNETAP-FSU
FSU
Fédération Syndicale Unitaire
) - a souligné les graves conséquences des suppressions d’emplois sur les conditions d’exercice du service public dans l’enseignement technique agricole : « les suppressions d’emplois cumulées sur plusieurs budgets ne permettent plus d’assurer la mise en oeuvre de l’intégralité des programmes consignés dans les référentiels, ni l’enseignement des options facultatives, notamment des langues vivantes. Elles ne permettent plus de respecter les seuils de dédoublement, parfois au risque de la sécurité des élèves, et ne tiennent pas compte des capacités des laboratoires ». Ne pouvant pas redoubler dans des classes des lycées publics, beaucoup d’élèves de terminale de l’enseignement public agricole doivent se tourner vers le secteur privé.
Toujours lors de cette table ronde, le représentant de la SNETAP-FSU a déploré l’absence totale de transparence de gestion des plafonds d’emplois des programmes relevant du ministère de l’agriculture, en observant que cette situation retarde les affectations et conduit à une parution très tardive de la carte des formations, après l’engagement des procédures d’orientation des élèves. Lors de l’examen du PLF
PLF
Projet de Loi de Finances
2011, notre ancien collègue Gérard Longuet, alors rapporteur spécial, avait déjà « regretté l’absence de transparence du programme 143 dont la justification budgétaire est loin de permettre au Parlement un suivi des crédits et des emplois de l’enseignement technique agricole »5(*).
Le Gouvernement justifie laconiquement et sans convaincre le sacrifice de l’enseignement agricole : « l’aboutissement de la mise en oeuvre de la réforme du bac professionnel (passage de trois à quatre ans) dans l’enseignement technique agricole permet de réaliser ces réductions d’emplois »6(*).
Face aux lourdes menaces qui pèsent ainsi sur l’enseignement technique agricole, il s’est constitué un comité permanent de défense et de développement de l’enseignement agricole public qui compte notamment, parmi ses premiers signataires, notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement professionnel au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Vos rapporteurs spéciaux sont défavorables à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », au regard notamment des suppressions d’emplois dans l’enseignement technique agricole. Si le Parlement devait finalement adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », afin de tenir compte des conditions d’exercice parlementaire du droit d’amendement, ils plaideraient pour que le programme 143 « Enseignement technique agricole » soit scindé en deux programmes, en distinguant d’une part l’enseignement public et d’autre part l’enseignement privé. Cette modification de la maquette budgétaire garantirait a minima que l’exercice de la fongibilité des crédits au sein d’un même programme ne puisse pas s’opérer au détriment de l’enseignement public ».
Réunie le 23 novembre 2011, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également rendu un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire »
Mme Françoise Ferrat (Union Centriste) - rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement agricole
(…) En termes d’emplois, le PLF 2012 prévoit 280 suppressions de postes, touchant uniquement des enseignants. Après ces nouvelles suppressions, l’enseignement agricole sera parvenu à un ratio de 45,5 % de non-remplacement des départs en retraite sur trois ans. C’est donc un peu moins que la norme du « un sur deux ». Nous sommes à la limite de l’exercice. Le périmètre de l’enseignement agricole n’est pas capable de supporter plus de suppressions de postes.
À première vue, les suppressions paraissent difficilement tenables mais elles coïncident en fait avec la fin de la rénovation de la voie professionnelle. En particulier, il faut tenir compte de la résorption du double flux d’élèves, né du maintien transitoire de voies parallèles, l’une directe, l’autre via le BEPA
BEPA
Brevet d’études professionnelles agricoles
. En outre, la rationalisation de la carte des formations menée en collaboration avec l’éducation nationale réduira l’impact des suppressions, qui devrait au final être plus mesuré que ce que l’on pouvait craindre.
D’ailleurs, je tiens à souligner le bilan positif des ouvertures et des fermetures de classes. (...)
Enfin, j’ai le sentiment que désormais les synergies avec le ministère de l’éducation nationale sont systématiquement recherchées et mobilisées afin d’optimiser l’utilisation des moyens. (...)
En conséquence, je vous propose de rendre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Mme Brigitte Gonthier-Maurin (PCF) - Je ne partage pas l’optimisme de la rapporteure. J’alerte sur la situation de choc dans laquelle se trouve l’enseignement agricole depuis plusieurs années. La réduction de l’offre de formation et la dégradation des conditions de travail sont catastrophiques dans les établissements publics. Le ministère met en extinction les classes de quatrième et de troisième dans le public. La situation est tellement difficile qu’elle a abouti au boycott du Conseil national de l’enseignement agricole (CNEA CNEA Conseil national de l’enseignement agricole ) par les organisations représentatives, ce qui ne s’était jamais vu. L’opacité de la gestion et l’illisibilité des documents budgétaires rendent impossible le suivi de l’exécution du budget et des suppressions de postes. C’est pourquoi je déposerai un amendement sur la mission « Enseignement scolaire » tendant à améliorer l’information du Parlement.
Extrait du compte rendu analytique officiel du 1 décembre 2011 - Loi de finances pour 2012 : examen des crédits affectés à la mission « Enseignement scolaire »
Mme la présidente. - Amendement n°II-369, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Beaufils et Didier et M. Foucaud.
Après l’article 51 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
"Au plus tard le 30 avril 2012, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’enseignement agricole technique et supérieur détaillant l’évolution, depuis 2005, de la carte des formations, des effectifs d’élèves accueillis, des moyens financiers et en personnels, dans les établissements publics et dans les établissements privés".
Mme Brigitte Gonthier-Maurin - Depuis 2005, les effectifs de l’enseignement technique agricole n’ont cessé de se réduire, les ingénieurs étant particulièrement touchés. La situation de ces enseignements, je l’ai constaté en région, se détériore. Les documents budgétaires sont parcellaires. Je connais l’existence des rapports de l’Observatoire, que vous aviez invoqué l’an dernier, Monsieur le Ministre, pour refuser cet amendement, mais ils sont devenus thématiques et trop imprécis.
Sur l’exécution budgétaire aussi, l’information est insuffisante. Dans un souci de transparence, cet amendement est nécessaire.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. - La situation de l’enseignement agricole est particulièrement préoccupante. 280 postes sont supprimés, les dépenses de fonctionnement et d’intervention sont toutes en baisse. Nous avons un grand besoin d’informations. Avis favorable.
M. Luc Chatel, ministre. - Sagesse.
L’amendement n°II-117 rectifié bis*, identique à l’amendement n°II-369, est adopté et devient un article additionnel.
* L’amendement n°II-117 rectifié bis a été déposé par Jean Arthuis (Union Centriste) et défendu par Françoise Ferrat... qui l’an passé ne l’avait pas soutenu !